
Le fer est connu et utilisé par l'humanité depuis la préhistoire. Les premières traces d'utilisation du fer remontent à environ 4000 avant notre ère, lorsque les civilisations anciennes travaillaient le fer météoritique tombé du ciel. Ces météorites ferreuses étaient considérées comme des cadeaux divins et façonnées en objets précieux et outils. L'Âge du Fer débute véritablement vers 1200 avant notre ère au Proche-Orient, lorsque les Hittites maîtrisent la technique de fusion du minerai de fer et de fabrication de l'acier. Cette révolution technologique transforme profondément les sociétés humaines, permettant la production d'outils agricoles plus efficaces, d'armes plus résistantes et d'infrastructures durables. Le nom "fer" provient du latin ferrum, dont l'origine exacte reste incertaine, possiblement liée à des racines indo-européennes signifiant "métal" ou "solide".
Le fer (symbole Fe, numéro atomique 26) est un métal de transition du groupe 8 du tableau périodique. Son atome possède 26 protons, généralement 30 neutrons (pour l'isotope le plus abondant \(\,^{56}\mathrm{Fe}\)) et 26 électrons avec la configuration électronique [Ar] 3d⁶ 4s².
À température ambiante, le fer est un métal solide gris argenté brillant, ductile et malléable (densité ≈ 7.874 g/cm³). Il possède des propriétés ferromagnétiques remarquables, étant l'un des trois éléments magnétiques à température ambiante avec le cobalt et le nickel. Le fer pur s'oxyde facilement à l'air humide, formant la rouille (oxyde de fer hydraté), ce qui nécessite des traitements de protection pour ses applications industrielles. Le point de fusion (état liquide) du fer : 1 811 K (1 538 °C). Le point d'ébullition (état gazeux) du fer : 3 134 K (2 861 °C).
| Isotope / Notation | Protons (Z) | Neutrons (N) | Masse atomique (u) | Abondance naturelle | Demi-vie / Stabilité | Décroissance / Remarques |
|---|---|---|---|---|---|---|
| Fer-54 — \(\,^{54}\mathrm{Fe}\,\) | 26 | 28 | 53.939610 u | ≈ 5.845 % | Stable | Isotope stable le plus léger du fer naturel. |
| Fer-56 — \(\,^{56}\mathrm{Fe}\,\) | 26 | 30 | 55.934937 u | ≈ 91.754 % | Stable | Isotope dominant du fer et noyau le plus stable de l'Univers (énergie de liaison par nucléon maximale). |
| Fer-57 — \(\,^{57}\mathrm{Fe}\,\) | 26 | 31 | 56.935394 u | ≈ 2.119 % | Stable | Possède un moment magnétique nucléaire ; utilisé en spectroscopie Mössbauer. |
| Fer-58 — \(\,^{58}\mathrm{Fe}\,\) | 26 | 32 | 57.933275 u | ≈ 0.282 % | Stable | Isotope stable le plus lourd du fer naturel. |
| Fer-55 — \(\,^{55}\mathrm{Fe}\,\) | 26 | 29 | 54.938291 u | Artificiel | ≈ 2.73 ans | Radioactif, capture électronique vers \(\,^{55}\mathrm{Mn}\). Utilisé comme traceur en biologie et médecine. |
| Fer-59 — \(\,^{59}\mathrm{Fe}\,\) | 26 | 33 | 58.934875 u | Artificiel | ≈ 44.5 jours | Radioactif, décroissance bêta moins vers \(\,^{59}\mathrm{Co}\). Utilisé pour étudier le métabolisme du fer. |
| Fer-60 — \(\,^{60}\mathrm{Fe}\,\) | 26 | 34 | 59.934072 u | Trace cosmique | ≈ 2.6 millions d'années | Radioactif, décroissance bêta moins vers \(\,^{60}\mathrm{Co}\). Produit dans les supernovae, détecté dans les sédiments océaniques profonds. |
N.B. :
Les couches électroniques : Comment les électrons s'organisent autour du noyau.
Le fer possède 26 électrons répartis sur quatre couches électroniques. Sa configuration électronique complète est : 1s² 2s² 2p⁶ 3s² 3p⁶ 3d⁶ 4s², ou de manière simplifiée : [Ar] 3d⁶ 4s². Cette configuration peut aussi s'écrire : K(2) L(8) M(14) N(2).
Couche K (n=1) : contient 2 électrons dans la sous-couche 1s. Cette couche interne est complète et très stable.
Couche L (n=2) : contient 8 électrons répartis en 2s² 2p⁶. Cette couche est également complète, formant une configuration de gaz noble (néon).
Couche M (n=3) : contient 14 électrons répartis en 3s² 3p⁶ 3d⁶. Les orbitales 3s et 3p sont complètes, tandis que les orbitales 3d contiennent 6 électrons sur 10 possibles.
Couche N (n=4) : contient 2 électrons dans la sous-couche 4s. Ces électrons sont les premiers à être impliqués dans les liaisons chimiques.
Les 8 électrons des couches externes (3d⁶ 4s²) constituent les électrons de valence du fer. Cette configuration explique ses propriétés chimiques :
En perdant les 2 électrons 4s, le fer forme l'ion Fe²⁺ (degré d'oxydation +2), appelé ion ferreux, de couleur vert pâle en solution.
En perdant les 2 électrons 4s et 1 électron 3d, il forme l'ion Fe³⁺ (degré d'oxydation +3), appelé ion ferrique, de couleur jaune-brun en solution. C'est l'état le plus stable.
Des états d'oxydation plus élevés (+4, +5, +6) existent dans certains composés spécialisés, mais sont moins courants.
Des états d'oxydation négatifs (-2, -1, 0) peuvent être observés dans certains complexes organométalliques.
La configuration électronique du fer, avec ses orbitales 3d partiellement remplies, explique ses propriétés magnétiques exceptionnelles. Les électrons non appariés dans les orbitales d créent un moment magnétique qui s'aligne facilement dans un champ magnétique externe, conférant au fer son ferromagnétisme caractéristique. Cette propriété est essentielle pour d'innombrables applications technologiques, des moteurs électriques aux supports de stockage magnétique.
Le fer est un métal modérément réactif. À l'air humide, il s'oxyde facilement pour former de la rouille (un mélange d'oxydes et d'hydroxydes de fer), un processus qui peut conduire à la corrosion complète du métal. Le fer pur réagit lentement avec l'eau froide mais plus rapidement avec la vapeur d'eau à haute température, libérant de l'hydrogène. Il se dissout facilement dans les acides dilués (chlorhydrique, sulfurique) en produisant du dihydrogène et des sels de fer(II). À température élevée, le fer réagit avec l'oxygène pour former l'oxyde de fer(II,III) Fe₃O₄ (magnétite), avec le soufre pour former des sulfures, et avec le carbone pour former des carbures. Le fer forme principalement deux séries de composés : les composés ferreux (Fe²⁺) généralement verts, et les composés ferriques (Fe³⁺) généralement bruns ou rouges. La passivation du fer par l'acide nitrique concentré forme une couche protectrice d'oxyde qui ralentit la corrosion ultérieure.
Le fer est un oligo-élément absolument essentiel pour pratiquement toutes les formes de vie. Chez les animaux et les humains, le fer est le composant central de l'hémoglobine, la protéine des globules rouges qui transporte l'oxygène des poumons vers tous les tissus du corps. Un adulte humain contient environ 4 à 5 grammes de fer, dont environ 70% se trouve dans l'hémoglobine. Le fer est également présent dans la myoglobine (stockage de l'oxygène dans les muscles), dans de nombreuses enzymes respiratoires (cytochromes) participant à la production d'énergie cellulaire, et dans les enzymes impliquées dans la synthèse de l'ADN.
L'anémie ferriprive, causée par une carence en fer, est l'une des carences nutritionnelles les plus répandues dans le monde, affectant particulièrement les femmes enceintes et les jeunes enfants. Elle se manifeste par une fatigue chronique, une pâleur, des difficultés de concentration et une diminution de l'immunité. À l'inverse, un excès de fer peut être toxique, s'accumulant dans les organes et causant des dommages oxydatifs. Les plantes utilisent également le fer dans de nombreux processus métaboliques, notamment pour la photosynthèse et la fixation de l'azote. La chlorose ferrique, une carence en fer chez les plantes, provoque un jaunissement des feuilles et une croissance ralentie.
Le fer occupe une position unique et fondamentale en astrophysique. L'isotope \(\,^{56}\mathrm{Fe}\) possède l'énergie de liaison par nucléon la plus élevée de tous les noyaux atomiques, ce qui signifie qu'il représente le point final de la fusion nucléaire dans les étoiles massives. Au-delà du fer, la fusion nucléaire ne libère plus d'énergie mais en consomme, marquant ainsi la limite de la production d'énergie stellaire.
Dans les étoiles massives en fin de vie, le fer s'accumule dans le cœur stellaire jusqu'à ce que celui-ci devienne instable et s'effondre, déclenchant une supernova. C'est lors de cette explosion cataclysmique que la majorité du fer présent dans l'Univers est éjecté dans l'espace interstellaire, enrichissant le milieu interstellaire et permettant la formation de nouvelles générations d'étoiles et de planètes. Le fer est ainsi un marqueur crucial de l'évolution chimique des galaxies.
L'isotope radioactif \(\,^{60}\mathrm{Fe}\) (demi-vie de 2.6 millions d'années) produit dans les supernovae a été détecté dans les sédiments océaniques terrestres profonds, fournissant la preuve directe d'explosions de supernovae proches dans un passé géologique récent. Les raies spectrales du fer (Fe I, Fe II) sont parmi les plus importantes en spectroscopie stellaire, permettant de déterminer la température, la gravité de surface, la composition chimique et le champ magnétique des étoiles. Le fer est également l'élément principal constituant les noyaux des planètes telluriques comme la Terre, où il forme un noyau métallique liquide responsable du champ magnétique protecteur de notre planète.
N.B. :
Le fer est le quatrième élément le plus abondant dans la croûte terrestre (environ 5 % en masse) et probablement l'élément le plus abondant de la Terre dans son ensemble, constituant environ 35% de la masse totale de notre planète. Il se présente principalement dans des minerais comme l'hématite (Fe₂O₃), la magnétite (Fe₃O₄), la limonite (FeO(OH)) et la sidérite (FeCO₃). Les principaux pays producteurs sont la Chine, l'Australie, le Brésil et l'Inde. La production mondiale d'acier dépasse 1.9 milliard de tonnes par an, faisant du fer le métal le plus produit et le plus utilisé de l'humanité. Le recyclage du fer et de l'acier est très développé, avec des taux de récupération élevés contribuant à une économie circulaire. L'extraction se fait principalement par réduction des oxydes de fer dans des hauts fourneaux utilisant du coke (carbone), un procédé qui remonte à plusieurs millénaires mais qui reste fondamentalement similaire aujourd'hui.