
L'azote fut découvert indépendamment par plusieurs chimistes à la fin du 18ᵉ siècle. En 1772, le médecin et chimiste écossais Daniel Rutherford (1749-1819) isola ce gaz en retirant l'oxygène et le dioxyde de carbone de l'air, laissant un résidu gazeux qu'il appela « air vicié » ou « air phlogistiqué ». À peu près à la même époque, Carl Wilhelm Scheele (1742-1786) en Suède, Henry Cavendish (1731-1810) en Angleterre et Joseph Priestley (1733-1804) menèrent des expériences similaires. En 1790, le chimiste français Jean-Antoine Chaptal (1756-1832) proposa le nom azote (du grec a = sans et zoe = vie), soulignant que ce gaz ne pouvait pas entretenir la vie ou la combustion. Le nom anglais « nitrogen » (générateur de nitre) fut introduit en 1790 par Chaptal également, en référence au salpêtre (nitrate de potassium).
L'azote (symbole N, numéro atomique 7) est un non-métal du groupe 15 (pnictogènes) du tableau périodique, constitué de sept protons, généralement sept neutrons (pour l'isotope le plus courant) et sept électrons. Les deux isotopes stables sont l'azote-14 \(\,^{14}\mathrm{N}\) (≈ 99,636 %) et l'azote-15 \(\,^{15}\mathrm{N}\) (≈ 0,364 %).
À température ambiante, l'azote se présente sous forme de gaz diatomique (N₂), incolore, inodore et relativement inerte chimiquement. La molécule N₂ possède une triple liaison très forte (N≡N) qui la rend particulièrement stable et peu réactive dans des conditions normales. Cette stabilité explique pourquoi l'azote gazeux constitue environ 78 % de l'atmosphère terrestre en volume. Le gaz N₂ a une densité d'environ 1.251 g/L à température et pression standard. La température à laquelle les états liquide et solide peuvent coexister (point de fusion) : 63,15 K (−210,00 °C). La température à partir de laquelle il passe de l'état liquide à l'état gazeux (point d'ébullition) : 77,355 K (−195,795 °C).
| Isotope / Notation | Protons (Z) | Neutrons (N) | Masse atomique (u) | Abondance naturelle | Demi-vie / Stabilité | Décroissance / Remarques |
|---|---|---|---|---|---|---|
| Azote-13 — \(\,^{13}\mathrm{N}\,\) | 7 | 6 | 13.005739 u | Non naturel | 9.965 minutes | Radioactif β\(^+\) donnant \(\,^{13}\mathrm{C}\) ; utilisé en tomographie par émission de positrons (TEP). |
| Azote-14 — \(\,^{14}\mathrm{N}\,\) | 7 | 7 | 14.003074 u | ≈ 99.636 % | Stable | Isotope majoritaire ; base de toutes les protéines et acides nucléiques de la vie terrestre. |
| Azote-15 — \(\,^{15}\mathrm{N}\,\) | 7 | 8 | 15.000109 u | ≈ 0.364 % | Stable | Utilisé en spectroscopie RMN, comme traceur en biologie et pour étudier le cycle de l'azote. |
| Azote-16 — \(\,^{16}\mathrm{N}\,\) | 7 | 9 | 16.006102 u | Non naturel | 7.13 s | Radioactif β\(^-\) donnant \(\,^{16}\mathrm{O}\) ; produit dans les réacteurs nucléaires. |
| Azote-17 — \(\,^{17}\mathrm{N}\,\) | 7 | 10 | 17.008450 u | Non naturel | 4.173 s | Radioactif β\(^-\) ; utilisé en recherche nucléaire. |
| Autres isotopes — \(\,^{10}\mathrm{N}-\,^{12}\mathrm{N},\,^{18}\mathrm{N}-\,^{25}\mathrm{N}\) | 7 | 3-5, 11-18 | — (résonances) | Non naturels | \(10^{-22}\) — 0.63 s | États très instables observés en physique nucléaire ; désintégration par émission de particules ou radioactivité β. |
L'azote possède cinq électrons de valence et forme typiquement trois liaisons covalentes (état d'oxydation −3 dans l'ammoniac NH₃) ou peut perdre ses électrons pour atteindre divers états d'oxydation de −3 à +5. La triple liaison N≡N dans la molécule diatomique N₂ est l'une des liaisons chimiques les plus fortes connues (énergie de dissociation ≈ 945 kJ/mol), rendant l'azote moléculaire très peu réactif à température ambiante. Cette inertie est exploitée industriellement pour créer des atmosphères protectrices inertes.
Cependant, une fois la triple liaison rompue (nécessitant haute température, haute pression ou catalyseurs), l'azote devient très réactif. Il forme des composés avec presque tous les éléments, notamment l'hydrogène (ammoniac NH₃, hydrazine N₂H₄), l'oxygène (oxydes d'azote : NO, NO₂, N₂O, N₂O₃, N₂O₅), les halogènes (trihalogénures d'azote), et de nombreux métaux (nitrures). Les composés azotés présentent une gamme extraordinaire de propriétés, allant des engrais essentiels (nitrates, ammoniac) aux explosifs puissants (TNT, nitroglycérine) en passant par les protéines et acides nucléiques de la vie.
Le cycle de l'azote est l'un des cycles biogéochimiques les plus importants sur Terre. Bien que N₂ soit abondant dans l'atmosphère, la plupart des organismes ne peuvent pas l'utiliser directement. La fixation biologique de l'azote par certaines bactéries (symbiotiques ou libres) convertit N₂ en ammoniac, qui peut ensuite être assimilé par les plantes. D'autres bactéries assurent la nitrification (conversion en nitrites puis nitrates) et la dénitrification (retour de l'azote à l'atmosphère). L'humanité a profondément perturbé ce cycle naturel avec la production industrielle massive d'engrais azotés (procédé Haber-Bosch).
L'azote est le cinquième élément le plus abondant dans l'univers observable (après l'hydrogène, l'hélium, l'oxygène et le carbone) et joue un rôle important dans l'évolution chimique des galaxies. Contrairement aux éléments primordiaux, l'azote est entièrement produit par nucléosynthèse stellaire.
La principale voie de production de l'azote dans les étoiles est le cycle CNO (carbone-azote-oxygène), où l'azote apparaît comme intermédiaire catalytique dans la fusion de l'hydrogène en hélium. Dans les étoiles massives, ce cycle domine la production d'énergie. L'azote-14 est produit principalement dans les étoiles de masse intermédiaire (2-8 masses solaires) lors de la phase AGB (branche asymptotique des géantes), où il est synthétisé à partir du carbone via le cycle CN. Ces étoiles enrichissent ensuite le milieu interstellaire en azote via leurs vents stellaires puissants.
L'azote peut également être produit par des réactions de spallation dans le milieu interstellaire (fragmentation d'atomes plus lourds par les rayons cosmiques), bien que cette contribution soit mineure comparée à la nucléosynthèse stellaire.
Dans le milieu interstellaire, l'azote existe sous plusieurs formes : atomique (N, N⁺), moléculaire (N₂, CN, HCN, NH₃, et de nombreuses autres molécules azotées complexes). Les molécules contenant de l'azote sont des traceurs importants des conditions physiques et chimiques dans les nuages moléculaires denses où se forment les étoiles. Le diazote (N₂) est difficile à détecter directement dans l'espace en raison de l'absence de moment dipolaire permanent, mais son abondance peut être déduite indirectement via d'autres espèces azotées.
Le rapport isotopique ¹⁴N/¹⁵N varie considérablement dans l'univers et fournit des informations précieuses sur les processus de nucléosynthèse et de mélange dans les étoiles. Ce rapport mesuré dans les météorites, les comètes, les atmosphères planétaires et le milieu interstellaire révèle l'histoire complexe du recyclage de la matière dans notre galaxie. Le système solaire présente un rapport ¹⁴N/¹⁵N d'environ 272, mais ce rapport peut varier significativement selon les sources et les objets observés.
Dans les atmosphères planétaires, l'azote joue un rôle majeur. Sur Terre, il constitue 78 % de l'atmosphère et est essentiel à la vie. Sur Titan (lune de Saturne), l'atmosphère est composée à 98 % d'azote. L'étude de l'azote atmosphérique et de son cycle chimique sur différents corps du système solaire et sur les exoplanètes potentiellement habitables est cruciale pour comprendre l'évolution planétaire et la recherche de vie extraterrestre.
N.B. :
Le procédé Haber-Bosch, développé au début du 20ᵉ siècle, a révolutionné l'agriculture mondiale en permettant la synthèse industrielle d'ammoniac à partir d'azote atmosphérique et d'hydrogène sous haute pression et température, avec un catalyseur de fer. Cette innovation a permis la production massive d'engrais azotés, augmentant considérablement les rendements agricoles et permettant de nourrir une population mondiale en croissance exponentielle. On estime que plus de la moitié de l'azote présent dans les protéines humaines provient aujourd'hui de l'azote fixé artificiellement par ce procédé. Cependant, cette fixation industrielle massive de l'azote (environ 150 millions de tonnes par an) dépasse maintenant largement la fixation biologique naturelle et a créé des problèmes environnementaux majeurs : pollution des eaux par les nitrates, eutrophisation des écosystèmes aquatiques, émissions d'oxyde nitreux (N₂O, un puissant gaz à effet de serre), et perturbation profonde du cycle naturel de l'azote à l'échelle planétaire. Le défi du 21ᵉ siècle est de maintenir la production alimentaire tout en restaurant un cycle de l'azote plus équilibré et durable.