
Les composés du bore, notamment le borax, étaient connus depuis l'Antiquité et utilisés dans la fabrication du verre et comme agent de nettoyage. En 1808, le bore élémentaire fut isolé presque simultanément par deux équipes de chimistes : Joseph Louis Gay-Lussac (1778-1850) et Louis-Jacques Thénard (1777-1857) en France, et Humphry Davy (1778-1829) en Angleterre. Les chimistes français chauffèrent de l'acide borique avec du potassium métallique, tandis que Davy utilisa l'électrolyse. Le nom bore dérive du persan bûrah via l'arabe buraq, qui désignait le borax. Ce n'est qu'en 1909 qu'Ezekiel Weintraub (1880-1965) produisit du bore pur à plus de 99 % en réduisant des halogénures de bore avec de l'hydrogène sur un filament de tantale chauffé.
Le bore (symbole B, numéro atomique 5) est un métalloïde situé entre les métaux et les non-métaux dans le tableau périodique, constitué de cinq protons, généralement six neutrons (pour l'isotope le plus courant) et cinq électrons. Les deux isotopes stables sont le bore-11 \(\,^{11}\mathrm{B}\) (≈ 80,1 %) et le bore-10 \(\,^{10}\mathrm{B}\) (≈ 19,9 %).
À température ambiante, le bore élémentaire se présente sous plusieurs formes allotropiques. La forme cristalline la plus stable est le bore-β rhomboédrique, un solide noir extrêmement dur (proche du diamant sur l'échelle de Mohs), fragile et semi-conducteur. Le bore possède une densité modérée (≈ 2.34 g/cm³) et une résistance exceptionnelle aux températures élevées. La température à laquelle les états liquide et solide peuvent coexister (point de fusion) : 2349 K (2076 °C). La température à partir de laquelle il passe de l'état liquide à l'état gazeux (point d'ébullition) : 4200 K (3927 °C).
| Isotope / Notation | Protons (Z) | Neutrons (N) | Masse atomique (u) | Abondance naturelle | Demi-vie / Stabilité | Décroissance / Remarques |
|---|---|---|---|---|---|---|
| Bore-8 — \(\,^{8}\mathrm{B}\,\) | 5 | 3 | 8.024607 u | Non naturel | 0.770 s | Radioactif β\(^+\) et émission de particules alpha ; produit dans le Soleil via la chaîne pp. |
| Bore-10 — \(\,^{10}\mathrm{B}\,\) | 5 | 5 | 10.012937 u | ≈ 19.9 % | Stable | Forte section efficace de capture des neutrons ; utilisé comme absorbeur de neutrons et en thérapie par capture de neutrons. |
| Bore-11 — \(\,^{11}\mathrm{B}\,\) | 5 | 6 | 11.009305 u | ≈ 80.1 % | Stable | Isotope majoritaire ; utilisé en spectroscopie RMN et dans l'industrie chimique. |
| Bore-12 — \(\,^{12}\mathrm{B}\,\) | 5 | 7 | 12.014352 u | Non naturel | 0.0202 s | Radioactif β\(^-\) donnant \(\,^{12}\mathrm{C}\) ; produit artificiellement dans les accélérateurs. |
| Bore-13 — \(\,^{13}\mathrm{B}\,\) | 5 | 8 | 13.017780 u | Non naturel | 0.0174 s | Radioactif β\(^-\) ; se désintègre rapidement en émettant des électrons. |
| Autres isotopes — \(\,^{7}\mathrm{B},\,^{9}\mathrm{B},\,^{14}\mathrm{B}-\,^{19}\mathrm{B}\) | 5 | 2, 4, 9-14 | — (résonances) | Non naturels | \(10^{-21}\) — 0.013 s | États très instables observés en physique nucléaire ; désintégration par émission de neutrons ou radioactivité β. |
Le bore possède trois électrons de valence et présente une chimie unique et complexe. En raison de sa petite taille atomique et de son électronégativité élevée (pour un élément du groupe 13), le bore forme principalement des liaisons covalentes plutôt qu'ioniques. Une caractéristique remarquable du bore est sa tendance à former des structures moléculaires avec des liaisons multicentres, où un nombre insuffisant d'électrons de valence est partagé entre plusieurs atomes (liaisons à trois centres et deux électrons).
Le bore élémentaire est relativement inerte à température ambiante grâce à une fine couche d'oxyde protectrice. À haute température, il réagit avec l'oxygène pour former l'oxyde de bore (B₂O₃), avec l'azote pour donner du nitrure de bore (BN), et avec les halogènes pour former des trihalogénures (BF₃, BCl₃). Les boranes (hydrures de bore) constituent une classe fascinante de composés avec des structures géométriques variées et inhabituelles. Le bore forme également des borures avec de nombreux métaux, dont certains possèdent une dureté exceptionnelle.
Dans ses composés, le bore se trouve principalement à l'état d'oxydation +3, bien que des états d'oxydation inférieurs existent dans certaines structures complexes. Le bore est essentiel pour les plantes et joue un rôle important dans la biochimie végétale, bien que son rôle exact chez les animaux reste encore débattu.
Le bore, comme le béryllium et le lithium, n'a pas été produit en quantités significatives lors de la nucléosynthèse primordiale du Big Bang. L'univers primordial a sauté directement de l'hélium aux éléments plus lourds sans créer beaucoup de bore. Le bore présent dans l'univers actuel provient principalement de la spallation cosmique : la fragmentation d'atomes plus lourds (carbone, azote, oxygène) par collision avec des rayons cosmiques de haute énergie dans le milieu interstellaire.
L'abondance du bore dans les étoiles anciennes et les rayons cosmiques fournit des informations cruciales sur l'histoire et l'intensité des rayons cosmiques galactiques au cours de l'évolution de notre galaxie. Le rapport bore/carbone observé dans différentes régions de la galaxie permet de contraindre les modèles de propagation des rayons cosmiques et de mieux comprendre les processus énergétiques qui les accélèrent.
Dans les étoiles, le bore est rapidement détruit à des températures supérieures à environ 5 millions de kelvins par capture de protons, ce qui en fait un indicateur sensible des processus de mélange convectif dans les intérieurs stellaires. Les astronomes utilisent les observations du bore dans les atmosphères stellaires pour tester les modèles de rotation stellaire et de transport de matière dans les étoiles jeunes.
Le bore joue également un rôle dans la nucléosynthèse explosive lors des supernovae. Des réactions nucléaires impliquant le bore peuvent se produire dans les couches externes éjectées lors de l'explosion, contribuant à l'enrichissement chimique du milieu interstellaire. Le bore-8, un isotope radioactif instable, est produit dans le Soleil via la chaîne proton-proton et contribue au flux de neutrinos solaires détectés sur Terre, permettant aux physiciens de tester les modèles de l'intérieur solaire.
L'étude du rapport des isotopes bore-10/bore-11 dans les météorites primitives révèle des informations sur les conditions du disque protoplanétaire primitif et les processus de formation du système solaire. Les variations isotopiques du bore dans ces objets anciens témoignent des processus chimiques et physiques qui ont façonné notre système planétaire il y a 4,6 milliards d'années.
N.B. :
Les boranes constituent une famille fascinante de composés d'hydrogène et de bore avec des structures moléculaires inhabituelles. Le plus simple, le diborane (B₂H₆), possède une structure où des atomes d'hydrogène forment des « ponts » entre deux atomes de bore via des liaisons à trois centres et deux électrons. Cette chimie unique du bore a révolutionné notre compréhension de la liaison chimique et a valu à William Lipscomb le prix Nobel de chimie en 1976 pour ses travaux sur les boranes. Les boranes complexes peuvent former des cages polyédriques spectaculaires comme le dodécaborate (B₁₂H₁₂²⁻), une structure en icosaèdre d'une grande stabilité. Ces composés ont joué un rôle historique important dans le développement de la chimie théorique moderne et continuent d'inspirer la recherche en chimie des matériaux et en nanotechnologie.