
Le chlore gazeux a été observé pour la première fois en 1774 par le chimiste suédois Carl Wilhelm Scheele (1742-1786), qui l'obtient en faisant réagir de l'acide chlorhydrique avec du dioxyde de manganèse. Scheele remarque que ce gaz jaune-vert décolore les végétaux et possède une odeur suffocante, mais il pense qu'il contient de l'oxygène. En 1810, Humphry Davy (1778-1829) démontre que cette substance est un élément chimique à part entière et non un composé oxygéné comme on le croyait. Il propose le nom chlorine (du grec khlôros = vert pâle) en référence à sa couleur caractéristique. En 1811, Joseph Louis Gay-Lussac (1778-1850) et Louis-Jacques Thénard (1777-1857) confirment la nature élémentaire du chlore et proposent le nom français chlore. L'identification du chlore comme élément a joué un rôle crucial dans l'abandon de la théorie du phlogistique.
Le chlore (symbole Cl, numéro atomique 17) est un halogène du groupe 17 (anciennement groupe VIIA) du tableau périodique. Son atome possède 17 protons, 17 électrons et généralement 18 neutrons dans son isotope le plus abondant (\(\,^{35}\mathrm{Cl}\)). Deux isotopes stables existent : le chlore-35 (\(\,^{35}\mathrm{Cl}\)) et le chlore-37 (\(\,^{37}\mathrm{Cl}\)).
À température ambiante, le chlore élémentaire se présente sous forme de gaz diatomique (Cl₂), de couleur jaune-vert, environ 2,5 fois plus dense que l'air (densité ≈ 3.214 g/L à 0 °C). Il possède une odeur piquante et suffocante très caractéristique, détectable à de très faibles concentrations. Point de fusion du dichlore : 171,6 K (−101,5 °C). Point d'ébullition : 239,11 K (−34,04 °C). Le chlore gazeux est toxique et corrosif, irritant gravement les voies respiratoires et les muqueuses. Le chlore est l'un des éléments les plus électronégatifs et réactifs du tableau périodique.
| Isotope / Notation | Protons (Z) | Neutrons (N) | Masse atomique (u) | Abondance naturelle | Demi-vie / Stabilité | Décroissance / Remarques |
|---|---|---|---|---|---|---|
| Chlore-35 — \(\,^{35}\mathrm{Cl}\,\) | 17 | 18 | 34.968853 u | ≈ 75.76 % | Stable | Isotope majoritaire du chlore naturel. |
| Chlore-37 — \(\,^{37}\mathrm{Cl}\) | 17 | 20 | 36.965903 u | ≈ 24.24 % | Stable | Deuxième isotope stable ; importante proportion naturelle. |
| Chlore-36 — \(\,^{36}\mathrm{Cl}\) | 17 | 19 | 35.968307 u | Trace cosmogénique | 301 000 ans | Radioactif β\(^-\) et capture électronique donnant \(\,^{36}\mathrm{Ar}\) et \(\,^{36}\mathrm{S}\). Utilisé pour dater les eaux souterraines anciennes. |
| Chlore-38 — \(\,^{38}\mathrm{Cl}\) | 17 | 21 | 37.968010 u | Non naturel | 37.24 minutes | Radioactif β\(^-\) se désintégrant en argon-38. Produit en laboratoire. |
| Autres isotopes — \(\,^{28}\mathrm{Cl}\) à \(\,^{51}\mathrm{Cl}\) | 17 | 11 — 34 | — (variables) | Non naturels | Millisecondes à secondes | Isotopes très instables produits artificiellement ; recherche en physique nucléaire. |
N.B. :
Les couches électroniques : Comment les électrons s'organisent autour du noyau.
Le chlore possède 17 électrons répartis sur trois couches électroniques. Sa configuration électronique complète est : 1s² 2s² 2p⁶ 3s² 3p⁵, ou de manière simplifiée : [Ne] 3s² 3p⁵. Cette configuration peut aussi s'écrire : K(2) L(8) M(7).
Couche K (n=1) : contient 2 électrons dans la sous-couche 1s. Cette couche interne est complète et très stable.
Couche L (n=2) : contient 8 électrons répartis en 2s² 2p⁶. Cette couche est également complète, formant une configuration de gaz noble (néon).
Couche M (n=3) : contient 7 électrons répartis en 3s² 3p⁵. Les orbitales 3s sont complètes, tandis que les orbitales 3p ne contiennent que 5 électrons sur 6 possibles. Il manque donc un électron pour saturer cette couche externe.
Les 7 électrons de la couche externe (3s² 3p⁵) constituent les électrons de valence du chlore. Cette configuration explique ses propriétés chimiques :
En gagnant 1 électron, le chlore forme l'ion Cl⁻ (degré d'oxydation -1), son état le plus stable et le plus courant, adoptant ainsi la configuration de l'argon [Ar].
En perdant des électrons ou en les partageant, le chlore peut présenter des degrés d'oxydation positifs : +1, +3, +5 et +7, notamment dans ses composés oxygénés (acides et oxoacides).
Le degré d'oxydation 0 correspond au dichlore Cl₂, sa forme moléculaire naturelle, où deux atomes de chlore partagent une paire d'électrons.
La configuration électronique du chlore, avec 7 électrons sur sa couche de valence, le classe parmi les halogènes. Cette structure lui confère des propriétés caractéristiques : très grande réactivité chimique (il ne manque qu'un électron pour atteindre la stabilité d'un gaz noble), forte électronégativité (capacité à attirer les électrons), et pouvoir oxydant puissant. Le chlore forme facilement des liaisons ioniques en captant un électron pour donner l'ion chlorure Cl⁻, présent dans le sel de table (NaCl). Il peut également former des liaisons covalentes en partageant des électrons avec d'autres atomes. Sa grande affinité électronique et sa réactivité font du chlore un élément essentiel en chimie, utilisé notamment pour la désinfection de l'eau, la production de nombreux composés organiques et inorganiques, et comme agent de blanchiment.
Le chlore est extrêmement réactif et ne se trouve jamais à l'état élémentaire dans la nature. Il réagit directement avec presque tous les éléments, sauf les gaz nobles, l'azote et l'oxygène (dans des conditions normales). Le chlore s'unit vigoureusement avec les métaux pour former des chlorures, et avec l'hydrogène pour former le chlorure d'hydrogène (HCl), qui dissous dans l'eau donne l'acide chlorhydrique. Il existe dans plusieurs états d'oxydation : -I (chlorures, l'état le plus courant), +I (hypochlorites), +III (chlorites), +V (chlorates) et +VII (perchlorates). Le chlore est un oxydant puissant, capable d'arracher des électrons à de nombreuses substances. Cette propriété oxydante est exploitée pour la désinfection et le blanchiment. Le dichlore réagit avec l'eau pour former un mélange d'acide chlorhydrique et d'acide hypochloreux (HOCl), ce dernier étant responsable du pouvoir désinfectant du chlore.
La chloration de l'eau potable, introduite au début du XXᵉ siècle, représente l'une des avancées les plus importantes de la santé publique. Elle a permis d'éradiquer ou de réduire considérablement les maladies hydriques comme le choléra, la typhoïde et la dysenterie dans les pays développés, sauvant probablement plus de vies que toute autre intervention en santé publique. Le chlore détruit les bactéries, virus et protozoaires pathogènes en oxydant leurs membranes cellulaires et en perturbant leurs processus métaboliques. Cependant, le chlore peut réagir avec la matière organique présente dans l'eau pour former des sous-produits de désinfection (trihalométhanes, acides haloacétiques) dont certains sont potentiellement cancérogènes à fortes doses. Les normes de traitement de l'eau cherchent à optimiser l'équilibre entre désinfection efficace et minimisation de ces sous-produits.
Le chlore est le dix-neuvième élément le plus abondant dans la croûte terrestre (environ 0,017 % en masse) et se trouve principalement sous forme de chlorure de sodium (NaCl) dans les océans (environ 1,9 % en masse de l'eau de mer) et les gisements de sel gemme (halite). D'autres minéraux chlorés incluent la sylvite (KCl) et la carnallite (KMgCl₃·6H₂O). Le chlore industriel est produit principalement par électrolyse de solutions de chlorure de sodium (saumure) selon trois procédés : cellules à diaphragme, cellules à mercure (en voie d'abandon pour raisons environnementales) et cellules à membrane. Cette électrolyse produit simultanément du dichlore gazeux, de l'hydrogène et de l'hydroxyde de sodium (soude caustique), formant la base de l'industrie chloro-alcaline. La production mondiale de chlore dépasse 75 millions de tonnes par an.
Si le chlore a des applications bénéfiques essentielles, certains de ses composés organiques ont posé de graves problèmes environnementaux. Les chlorofluorocarbures (CFC), utilisés comme réfrigérants et propulseurs d'aérosols, ont été identifiés comme destructeurs de la couche d'ozone stratosphérique, conduisant au Protocole de Montréal (1987) qui a progressivement interdit leur production. Les pesticides organochlorés persistants comme le DDT, bien qu'efficaces, s'accumulent dans les chaînes alimentaires et ont été largement interdits. Les dioxines et furanes chlorés, sous-produits de certains processus industriels et de l'incinération, sont parmi les substances les plus toxiques connues. L'industrie chimique a développé des alternatives moins persistantes et des procédés plus propres pour minimiser ces impacts environnementaux.
Le chlore est produit dans les étoiles massives lors de la nucléosynthèse, principalement par capture de neutrons et réactions de fusion. Bien que relativement abondant sur Terre, le chlore est un élément mineur à l'échelle cosmique. Il a été détecté dans certaines étoiles évoluées, dans des météorites et dans le milieu interstellaire. L'isotope chlore-36 cosmogénique est produit par l'interaction des rayons cosmiques avec l'argon atmosphérique. Les sels chlorés ont été détectés sur Mars par les rovers, suggérant la présence passée d'eau liquide salée. Les composés chlorés sont également présents dans les atmosphères de certaines exoplanètes, bien que leur signification pour l'habitabilité soit complexe.
N.B. :
Le chlore gazeux a été utilisé comme première arme chimique de l'histoire moderne lors de la Première Guerre mondiale. Le 22 avril 1915, l'armée allemande libère 168 tonnes de chlore gazeux près d'Ypres en Belgique, créant un nuage jaune-vert mortel qui dérive vers les tranchées alliées. Le gaz, plus dense que l'air, s'accumule dans les tranchées et provoque des milliers de morts par asphyxie et œdème pulmonaire. Cette attaque a ouvert la voie à la guerre chimique, qui utilisera par la suite des agents encore plus toxiques comme le phosgène et le gaz moutarde. Aujourd'hui, l'utilisation d'armes chimiques est interdite par la Convention sur les armes chimiques (1997), mais ce sombre chapitre rappelle que les éléments chimiques peuvent servir le bien comme le mal selon l'usage qu'en fait l'humanité.