
Les composés du sodium, notamment le sel de table (chlorure de sodium, NaCl), sont connus et utilisés depuis l'Antiquité pour la conservation des aliments et comme monnaie d'échange (d'où le mot « salaire » du latin salarium). Cependant, le sodium métallique ne fut isolé qu'au début du 19ᵉ siècle grâce aux progrès de l'électrochimie.
En 1807, le chimiste britannique Humphry Davy (1778-1829) isola pour la première fois le sodium métallique par électrolyse de la soude caustique (hydroxyde de sodium, NaOH) fondue. Quelques jours après avoir isolé le potassium par la même méthode, Davy réussit à produire des globules de sodium métallique brillants et extrêmement réactifs. Il observa que ce métal s'oxydait rapidement à l'air et réagissait violemment avec l'eau, libérant de l'hydrogène gazeux.
Davy nomma cet élément sodium (du mot anglais « soda » dérivant de l'arabe suwwad ou suda, désignant certaines plantes dont on extrayait la soude). Le symbole chimique Na vient du latin natrium, dérivé de natron (carbonate de sodium hydraté naturel) utilisé depuis l'Égypte ancienne. Cette découverte marqua le début de l'étude systématique des métaux alcalins et révolutionna la compréhension de la chimie des éléments.
Le sodium (symbole Na, numéro atomique 11) est un métal alcalin du groupe 1 du tableau périodique, constitué de onze protons, généralement douze neutrons (pour l'isotope le plus courant) et onze électrons. Le seul isotope stable naturel est le sodium-23 \(\,^{23}\mathrm{Na}\) (100 % d'abondance naturelle).
À température ambiante, le sodium est un métal mou de couleur argentée brillante, suffisamment tendre pour être coupé au couteau. Il possède une densité relativement faible (≈ 0.968 g/cm³), inférieure à celle de l'eau, ce qui signifie qu'il flotterait sur l'eau s'il ne réagissait pas violemment avec elle. Le sodium est hautement réactif, s'oxydant rapidement à l'air et réagissant vigoureusement avec l'eau pour produire de l'hydroxyde de sodium et du dihydrogène gazeux, une réaction suffisamment exothermique pour enflammer l'hydrogène produit.
Le sodium doit être conservé sous huile minérale ou dans une atmosphère inerte (argon) pour le protéger de l'oxydation. Il possède une excellente conductivité électrique et thermique, caractéristiques typiques des métaux alcalins.
La température à laquelle les états liquide et solide peuvent coexister (point de fusion) : 370,944 K (97,794 °C). La température à partir de laquelle il passe de l'état liquide à l'état gazeux (point d'ébullition) : 1156,090 K (882,940 °C).
| Isotope / Notation | Protons (Z) | Neutrons (N) | Masse atomique (u) | Abondance naturelle | Demi-vie / Stabilité | Décroissance / Remarques |
|---|---|---|---|---|---|---|
| Sodium-22 — \(\,^{22}\mathrm{Na}\,\) | 11 | 11 | 21.994437 u | Cosmogénique | 2.602 ans | Radioactif β\(^+\) et capture électronique donnant \(\,^{22}\mathrm{Ne}\) ; produit par rayons cosmiques ; utilisé en médecine nucléaire. |
| Sodium-23 — \(\,^{23}\mathrm{Na}\,\) | 11 | 12 | 22.989769 u | 100 % | Stable | Seul isotope stable ; essentiel aux fonctions biologiques ; base de tous les composés sodiques. |
| Sodium-24 — \(\,^{24}\mathrm{Na}\,\) | 11 | 13 | 23.990963 u | Non naturel | 14.997 heures | Radioactif β\(^-\) donnant \(\,^{24}\mathrm{Mg}\) ; utilisé comme traceur en médecine et industrie ; forte émission gamma. |
| Sodium-25 — \(\,^{25}\mathrm{Na}\,\) | 11 | 14 | 24.989954 u | Non naturel | 59.1 s | Radioactif β\(^-\) ; produit dans les réacteurs nucléaires. |
| Sodium-26 — \(\,^{26}\mathrm{Na}\,\) | 11 | 15 | 25.992633 u | Non naturel | 1.071 s | Radioactif β\(^-\) ; demi-vie courte. |
| Autres isotopes — \(\,^{18}\mathrm{Na}-\,^{21}\mathrm{Na},\,^{27}\mathrm{Na}-\,^{37}\mathrm{Na}\) | 11 | 7-10, 16-26 | — (résonances) | Non naturels | \(10^{-21}\) — 0.301 s | États très instables observés en physique nucléaire ; certains ont des structures de halo de neutrons. |
Le sodium possède un seul électron de valence sur sa couche externe, qu'il cède très facilement pour former l'ion sodium (Na⁺) avec une configuration électronique stable de gaz noble. Cette forte électropositivité fait du sodium un réducteur puissant et un métal extrêmement réactif.
Le sodium réagit vigoureusement avec l'eau selon la réaction : 2 Na + 2 H₂O → 2 NaOH + H₂ (gaz). Cette réaction est suffisamment exothermique pour faire fondre le sodium et enflammer l'hydrogène produit, créant une flamme jaune caractéristique due à l'excitation des atomes de sodium. Avec l'oxygène de l'air, le sodium forme rapidement une couche d'oxyde (Na₂O) et de peroxyde de sodium (Na₂O₂) qui ternit sa surface brillante.
Le sodium réagit avec les halogènes (fluor, chlore, brome, iode) pour former des halogénures, dont le chlorure de sodium (NaCl, sel de table) est le plus connu et le plus important biologiquement. Il réagit également avec l'hydrogène pour former l'hydrure de sodium (NaH), un réducteur puissant utilisé en chimie organique, et avec l'ammoniac liquide pour former des solutions bleues caractéristiques contenant des électrons solvatés.
Dans les organismes vivants, l'ion sodium (Na⁺) joue un rôle physiologique absolument essentiel. Il est le principal cation extracellulaire et maintient l'équilibre osmotique, régule le volume sanguin et la pression artérielle. Le sodium est crucial pour la transmission des impulsions nerveuses et la contraction musculaire via les pompes sodium-potassium (Na⁺/K⁺-ATPase) qui maintiennent les gradients électrochimiques à travers les membranes cellulaires. Le déséquilibre du sodium (hyponatrémie ou hypernatrémie) peut avoir des conséquences graves, voire mortelles.
Le sodium est un élément relativement abondant dans l'univers, se classant environ au 14ᵉ rang par abondance cosmique. Il est entièrement produit par nucléosynthèse stellaire, principalement dans les étoiles massives.
Le sodium-23 est synthétisé dans les étoiles massives par plusieurs processus nucléaires. Le principal mécanisme est la combustion du carbone à des températures d'environ 600-800 millions de kelvins, où la fusion de deux noyaux de carbone-12 peut produire du sodium-23 plus un proton (¹²C + ¹²C → ²³Na + p). Le sodium peut également être produit lors de la combustion du néon par photodésintégration du néon-20 suivie de captures de particules alpha, ou par des processus impliquant le magnésium dans les couches stellaires en combustion.
Lors des explosions de supernovae, le sodium est produit en quantités significatives et éjecté dans le milieu interstellaire. Les supernovae de type II (effondrement gravitationnel d'étoiles massives) et de type Ia (explosion thermonucléaire de naines blanches) contribuent toutes deux à l'enrichissement galactique en sodium, bien que par des mécanismes différents et avec des rendements variables.
Dans le milieu interstellaire, le sodium atomique neutre (Na I) présente des raies d'absorption caractéristiques dans le spectre visible, notamment les raies D du sodium (doublet à 589,0 et 589,6 nm). Ces raies, découvertes par Joseph von Fraunhofer dans le spectre solaire en 1814, sont parmi les plus fortes et les plus facilement observables. Elles servent de traceurs de la structure et de la dynamique du milieu interstellaire, permettant aux astronomes de cartographier les nuages de gaz entre les étoiles et d'étudier leurs vitesses par effet Doppler.
Les raies D du sodium sont également observées dans les spectres des étoiles, fournissant des informations sur la température, la composition chimique et les mouvements des atmosphères stellaires. L'intensité de ces raies varie considérablement d'une étoile à l'autre, reflétant les différences d'abondance chimique liées à la métallicité stellaire et à l'évolution chimique de la galaxie.
Dans le système solaire, le sodium a été détecté dans plusieurs environnements surprenants. Une exosphère ténue de sodium entoure la planète Mercure, créée par la pulvérisation de la surface par le vent solaire et les impacts de micrométéorites. Cette exosphère de sodium s'étend sur des dizaines de milliers de kilomètres et présente une queue semblable à celle d'une comète. Le sodium a également été détecté dans l'exosphère de la Lune, dans les geysers d'Encelade (lune de Saturne), et dans les queues de comètes.
Les atmosphères des exoplanètes ont révélé la présence de sodium grâce à la spectroscopie de transit. Lorsqu'une exoplanète passe devant son étoile, l'absorption de la lumière stellaire par l'atmosphère planétaire crée une signature spectrale caractéristique. Les raies du sodium ont été parmi les premières détectées dans les atmosphères d'exoplanètes de type Jupiter chaud, fournissant des informations cruciales sur la composition, la structure et la météorologie de ces mondes lointains.
En astronomie optique adaptative, des lasers à sodium sont utilisés pour créer des étoiles guide artificielles. Ces lasers excitent les atomes de sodium dans la couche de mésosphère terrestre (à environ 90 km d'altitude), créant une source lumineuse ponctuelle qui permet de mesurer et de corriger les distorsions atmosphériques en temps réel, améliorant considérablement la résolution des télescopes terrestres.
N.B. :
Le paradoxe du sel illustre la relation complexe entre le sodium et la santé humaine. Le sodium est absolument essentiel à la vie : sans lui, les impulsions nerveuses ne pourraient pas se propager, les muscles ne pourraient pas se contracter, et l'équilibre hydrique du corps s'effondrerait. Historiquement, le sel était si précieux qu'il servait de monnaie d'échange et que des guerres furent menées pour contrôler les routes du sel. Cependant, dans les sociétés modernes, la surconsommation de sodium (principalement sous forme de sel) est devenue un problème de santé publique majeur, contribuant à l'hypertension artérielle, aux maladies cardiovasculaires et aux accidents vasculaires cérébraux. L'Organisation mondiale de la santé recommande moins de 5 grammes de sel par jour, mais la consommation moyenne dans de nombreux pays développés dépasse 9-12 grammes. Cette situation reflète un décalage entre notre biologie évoluée dans des environnements pauvres en sel (où conserver le sodium était crucial) et notre environnement alimentaire moderne riche en aliments transformés contenant des quantités excessives de sel ajouté. Le sodium incarne ainsi la règle toxicologique fondamentale formulée par Paracelse : « Tout est poison, rien n'est poison, c'est la dose qui fait le poison. »