Le tellure fut découvert en 1782 par le minéralogiste autrichien Franz-Joseph Müller von Reichenstein (1740-1825) dans des minerais d'or de Transylvanie. Müller travaillait comme inspecteur des mines pour le gouvernement autrichien lorsqu'il analysa un minerai particulier extrait des mines de Zlatna (actuelle Roumanie). Il identifia une substance métallique inhabituelle qu'il ne parvint pas à classifier complètement, bien qu'il fût convaincu d'avoir découvert un nouvel élément.
Ses travaux furent confirmés et développés par le chimiste allemand Martin Heinrich Klaproth (1743-1817) en 1798, qui isola l'élément de manière définitive et lui donna le nom de tellurium, du latin tellus signifiant "terre". Ce nom fut choisi en référence à la planète Terre, créant ainsi un parallèle avec l'uranium (nommé d'après Uranus) découvert quelques années auparavant par Klaproth lui-même. Le symbole chimique Te fut adopté dès l'origine.
La classification du tellure comme métalloïde fut établie au 19ᵉ siècle lorsque les chimistes reconnurent ses propriétés intermédiaires entre métaux et non-métaux. Le tellure partage de nombreuses similarités chimiques avec le sélénium et le soufre, ses voisins dans le groupe 16 du tableau périodique, mais présente un caractère métallique plus prononcé.
N.B. :
Le tellure est extrêmement rare dans la croûte terrestre, avec une concentration moyenne d'environ 0,001 ppm (une partie par milliard), ce qui en fait l'un des éléments les plus rares, comparable en rareté au platine et environ huit fois plus rare que l'or. Cette rareté extraordinaire contraste avec son importance croissante dans les technologies modernes.
Le tellure ne se trouve pratiquement jamais à l'état natif. Il est principalement obtenu comme sous-produit du raffinage électrolytique du cuivre, où il s'accumule dans les boues anodiques avec l'or, l'argent et le sélénium. Les principaux minerais de tellure incluent la calaverite (AuTe₂), la sylvanite ((Au,Ag)₂Te₄), la tetradymite (Bi₂Te₂S) et la tellurite (TeO₂).
La production mondiale de tellure est d'environ 450 à 550 tonnes par an, presque entièrement comme sous-produit de la métallurgie du cuivre et du plomb. La Chine, le Japon, le Canada, la Russie et les États-Unis sont les principaux producteurs. Cette production très limitée et la dépendance à la production de cuivre font du tellure l'un des matériaux les plus critiques pour les technologies émergentes, particulièrement les panneaux solaires à couches minces.
Le tellure (symbole Te, numéro atomique 52) est un métalloïde du groupe 16 de la classification périodique, avec l'oxygène, le soufre, le sélénium et le polonium. Son atome possède 52 protons, généralement 78 neutrons (pour l'isotope le plus abondant \(\,^{130}\mathrm{Te}\)) et 52 électrons avec la configuration électronique [Kr] 4d¹⁰ 5s² 5p⁴.
Le tellure est un solide cristallin gris argenté avec un éclat métallique prononcé, plus métallique que le sélénium mais conservant des propriétés de métalloïde. Il possède une densité de 6,24 g/cm³, le rendant modérément lourd. Le tellure cristallise dans une structure hexagonale trigonale formant des chaînes hélicoïdales d'atomes, similaire à la structure du sélénium. Il est cassant et se pulvérise facilement sous pression.
Le tellure fond à 449,51 °C (722,66 K) et bout à 988 °C (1261 K). Sa conductivité électrique augmente avec la température et sous exposition à la lumière, propriété de photoconductivité caractéristique des semi-conducteurs. Le tellure est l'un des meilleurs conducteurs thermiques parmi les métalloïdes.
Le tellure présente une conductivité électrique faible à température ambiante, environ un million de fois inférieure à celle du cuivre, mais cette conductivité augmente significativement avec la température, comportement typique des semi-conducteurs. Le tellure pur possède un éclat métallique brillant qui ternit lentement à l'air.
Le point de fusion du tellure : 722,66 K (449,51 °C).
Le point d'ébullition du tellure : 1261 K (988 °C).
Le tellure présente des propriétés photoconductrices, sa résistivité diminuant sous illumination.
| Isotope / Notation | Protons (Z) | Neutrons (N) | Masse atomique (u) | Abondance naturelle | Demi-vie / Stabilité | Désintégration / Remarques |
|---|---|---|---|---|---|---|
| Tellure-120 — \(\,^{120}\mathrm{Te}\,\) | 52 | 68 | 119,904020 u | ≈ 0,09 % | Stable | Isotope stable le plus léger du tellure, extrêmement rare. |
| Tellure-122 — \(\,^{122}\mathrm{Te}\,\) | 52 | 70 | 121,903044 u | ≈ 2,55 % | Stable | Isotope stable minoritaire du tellure naturel. |
| Tellure-123 — \(\,^{123}\mathrm{Te}\,\) | 52 | 71 | 122,904270 u | ≈ 0,89 % | Stable | Seul isotope stable avec nombre impair de neutrons. |
| Tellure-124 — \(\,^{124}\mathrm{Te}\,\) | 52 | 72 | 123,902818 u | ≈ 4,74 % | Stable | Isotope stable commun du tellure naturel. |
| Tellure-125 — \(\,^{125}\mathrm{Te}\,\) | 52 | 73 | 124,904431 u | ≈ 7,07 % | Stable | Isotope stable représentant environ 7% du tellure naturel. |
| Tellure-126 — \(\,^{126}\mathrm{Te}\,\) | 52 | 74 | 125,903312 u | ≈ 18,84 % | Stable | Deuxième isotope le plus abondant du tellure naturel. |
| Tellure-128 — \(\,^{128}\mathrm{Te}\,\) | 52 | 76 | 127,904463 u | ≈ 31,74 % | ≈ 2,2×10²⁴ ans | Radioactif (β⁻β⁻), demi-vie la plus longue mesurée. Considéré stable en pratique. |
| Tellure-130 — \(\,^{130}\mathrm{Te}\,\) | 52 | 78 | 129,906224 u | ≈ 34,08 % | ≈ 8×10²⁰ ans | Radioactif (β⁻β⁻), isotope le plus abondant malgré radioactivité théorique. |
N.B. :
Couches électroniques : Comment les électrons sont organisés autour du noyau.
Le tellure possède 52 électrons répartis sur cinq couches électroniques. Sa configuration électronique complète est : 1s² 2s² 2p⁶ 3s² 3p⁶ 3d¹⁰ 4s² 4p⁶ 4d¹⁰ 5s² 5p⁴, ou de manière simplifiée : [Kr] 4d¹⁰ 5s² 5p⁴. Cette configuration peut également s'écrire : K(2) L(8) M(18) N(18) O(6).
Couche K (n=1) : contient 2 électrons dans la sous-couche 1s. Cette couche interne est complète et très stable.
Couche L (n=2) : contient 8 électrons répartis en 2s² 2p⁶. Cette couche est également complète, formant une configuration de gaz noble (néon).
Couche M (n=3) : contient 18 électrons répartis en 3s² 3p⁶ 3d¹⁰. Cette couche complète contribue à l'écran électronique.
Couche N (n=4) : contient 18 électrons répartis en 4s² 4p⁶ 4d¹⁰. La sous-couche 4d complète est particulièrement stable.
Couche O (n=5) : contient 6 électrons répartis en 5s² 5p⁴. Ces six électrons sont les électrons de valence du tellure.
Le tellure possède 6 électrons de valence : deux électrons 5s² et quatre électrons 5p⁴. Les principaux états d'oxydation sont -2, +4 et +6. L'état -2 apparaît dans les tellurures métalliques (comme CdTe, ZnTe, Bi₂Te₃) où le tellure agit comme accepteur d'électrons, formant l'ion Te²⁻.
L'état +4 est le plus courant dans les composés oxygénés, apparaissant dans le dioxyde de tellure (TeO₂) et l'acide tellureux (H₂TeO₃). L'état +6 existe dans des composés plus oxydés comme le trioxyde de tellure (TeO₃) et l'acide tellurique (H₆TeO₆), où le tellure utilise tous ses électrons de valence. Le tellure métallique correspond à l'état d'oxydation 0.
Le tellure est modérément stable à l'air à température ambiante, s'oxydant lentement pour former une fine couche superficielle de dioxyde. À température élevée (au-dessus de 450 °C), le tellure brûle dans l'air avec une flamme bleu verdâtre, formant du dioxyde de tellure (TeO₂) qui se dégage sous forme de fumée blanche : Te + O₂ → TeO₂. Cette combustion produit une odeur caractéristique désagréable.
Le tellure réagit avec les halogènes pour former des tétrahalogénures : Te + 2Cl₂ → TeCl₄ (tétrachlorure) ou des dihalogénures dans des conditions contrôlées. Le tellure résiste aux acides non oxydants dilués mais se dissout dans l'acide nitrique concentré et l'acide sulfurique chaud pour former l'acide tellureux.
Avec l'hydrogène, le tellure forme le tellure d'hydrogène (H₂Te), un gaz toxique extrêmement malodorant, beaucoup moins stable que le sulfure d'hydrogène (H₂S). Le tellure réagit directement avec de nombreux métaux à température élevée pour former des tellurures métalliques, composés importants en technologie des semi-conducteurs.
L'application la plus importante et la plus rapidement croissante du tellure est la production de cellules photovoltaïques à couches minces en tellurure de cadmium (CdTe). Cette technologie représente actuellement 40-50% de la demande mondiale de tellure et cette proportion augmente rapidement avec l'expansion de l'énergie solaire.
Les panneaux solaires CdTe présentent plusieurs avantages significatifs : coût de production inférieur aux panneaux au silicium cristallin, meilleure performance à haute température et en conditions de faible luminosité, processus de fabrication moins énergivore, et coefficient de température favorable. Les principaux fabricants comme First Solar ont démontré la viabilité commerciale à grande échelle de cette technologie.
L'efficacité de conversion des cellules CdTe commerciales atteint 16-19%, avec des records de laboratoire dépassant 22%. Un panneau solaire CdTe typique de 100 watts contient environ 6-10 grammes de tellure. Avec l'objectif mondial de transition énergétique, la demande de tellure pour le photovoltaïque pourrait augmenter de plusieurs ordres de grandeur, créant des préoccupations sur la disponibilité à long terme.
La deuxième application technologique majeure du tellure concerne les matériaux thermoélectriques, particulièrement le tellurure de bismuth (Bi₂Te₃) et ses alliages. Ces matériaux convertissent directement la chaleur en électricité (effet Seebeck) ou l'électricité en différence de température (effet Peltier), sans pièces mobiles.
Les dispositifs Peltier à base de tellurure de bismuth sont largement utilisés pour le refroidissement de composants électroniques sensibles, les réfrigérateurs portables, les climatiseurs de sièges automobiles, et le contrôle de température en instrumentation scientifique. Les générateurs thermoélectriques utilisant Bi₂Te₃ convertissent la chaleur résiduelle en électricité dans l'automobile, l'aérospatiale et les applications spatiales.
Le tellurure de bismuth possède un coefficient de mérite thermoélectrique (ZT) parmi les plus élevés à température ambiante, le rendant idéal pour ces applications. La recherche continue sur les matériaux thermoélectriques avancés pourrait significativement augmenter la demande de tellure dans les prochaines décennies, particulièrement pour la récupération d'énergie thermique dans les véhicules et l'industrie.
Le tellure et ses composés présentent une toxicité modérée. Bien que moins toxique que le sélénium ou l'arsenic, le tellure peut s'accumuler dans l'organisme et provoquer des effets caractéristiques. L'effet le plus notable de l'exposition au tellure est le développement d'une haleine à odeur d'ail intense et persistante, causée par la production de diméthyltellure exhalé par les poumons, même à des doses très faibles.
L'exposition professionnelle au tellure se produit principalement dans les industries de raffinage du cuivre, de fabrication d'électronique et de production de panneaux solaires. Les symptômes d'intoxication incluent fatigue, somnolence, sécheresse buccale, perte d'appétit et goût métallique, en plus de l'haleine caractéristique. Les effets chroniques peuvent inclure des troubles neurologiques et hématologiques.
Le tellurure de cadmium (CdTe) utilisé dans les panneaux solaires soulève des questions environnementales en raison de la présence de cadmium, métal lourd hautement toxique. Cependant, le tellurure de cadmium est extrêmement stable et insoluble, minimisant le risque de lixiviation du cadmium. Les fabricants ont développé des programmes de recyclage pour récupérer le tellure et le cadmium en fin de vie des panneaux.
Le tellure est l'un des éléments les plus rares de la croûte terrestre, avec une abondance moyenne d'environ 0,001 ppm (une partie par milliard). Cette rareté extraordinaire, comparable à celle du platine et huit fois supérieure à celle de l'or, pose des défis majeurs pour l'approvisionnement face à la demande croissante des technologies propres.
La production mondiale de tellure est limitée à environ 450-550 tonnes par an, presque entièrement obtenue comme sous-produit du raffinage électrolytique du cuivre. Cette dépendance signifie que l'offre de tellure est liée à la production de cuivre plutôt qu'à la demande de tellure elle-même, créant des contraintes structurelles d'approvisionnement.
Les projections montrent qu'une adoption massive de panneaux solaires CdTe pourrait rapidement épuiser les réserves accessibles de tellure. Des scénarios de déploiement solaire à l'échelle du térawatt nécessiteraient plusieurs dizaines de milliers de tonnes de tellure, dépassant largement la production actuelle. Cette limitation pourrait freiner l'expansion de la technologie CdTe ou nécessiter des innovations en recyclage et en efficacité d'utilisation du matériau.
Le tellure est classé comme matériau critique par l'Union européenne, les États-Unis et le Japon en raison de son importance technologique combinée à sa rareté extrême et à la concentration géographique de sa production. Le développement de technologies alternatives et l'amélioration du recyclage sont considérés comme essentiels pour la sécurité d'approvisionnement à long terme.
Le tellure est synthétisé dans les étoiles principalement par le processus s (capture lente de neutrons) dans les étoiles de la branche asymptotique des géantes (AGB), avec des contributions significatives du processus r (capture rapide de neutrons) lors de supernovae et de fusions d'étoiles à neutrons. Les huit isotopes stables du tellure ont des origines nucléosynthétiques diverses.
L'abondance cosmique du tellure est extrêmement faible, environ 5×10⁻¹¹ fois celle de l'hydrogène en nombre d'atomes, le plaçant parmi les éléments les plus rares de l'univers. Cette rareté s'explique par la position du tellure dans une région moins favorable de la courbe de stabilité nucléaire et par les barrières de production dans les processus de nucléosynthèse stellaire.
Les raies spectrales du tellure neutre (Te I) et ionisé (Te II) sont rarement observées dans les spectres stellaires en raison de la très faible abondance cosmique de cet élément. Néanmoins, des traces de tellure ont été détectées dans certaines étoiles chimiquement particulières enrichies en éléments lourds, permettant d'étudier les processus de nucléosynthèse et l'évolution chimique galactique.
L'isotope ¹²⁸Te possède la plus longue demi-vie mesurée de tous les isotopes radioactifs, environ 2,2×10²⁴ années, soit plus d'un trillion de fois l'âge de l'univers. Cette décroissance beta double extrêmement lente fait de ¹²⁸Te un système idéal pour étudier les processus nucléaires fondamentaux et tester les prédictions de la physique nucléaire.