Le rhodium fut découvert en 1803 par le chimiste britannique William Hyde Wollaston (1766-1828), la même année où il découvrit également le palladium. Wollaston, scientifique polymorphe qui contribua à la physique, la chimie et l'optique, travaillait sur l'analyse chimique du platine brut provenant d'Amérique du Sud.
Après avoir dissous le minerai de platine dans l'eau régale (mélange d'acides chlorhydrique et nitrique), Wollaston précipita le platine par addition de chlorure d'ammonium. En traitant la solution restante avec du chlorure de sodium, il obtint un précipité rouge-rose qu'il identifia comme un sel d'un nouvel élément. Il nomma cet élément rhodium du grec rhodon signifiant rose, en référence à la couleur rose caractéristique des solutions diluées de ses sels.
La découverte du rhodium et du palladium par Wollaston, ainsi que celle de l'osmium et de l'iridium par Smithson Tennant la même année 1803, compléta la famille des six métaux du groupe platine. Wollaston garda secrète sa méthode de découverte pendant plusieurs années, ce qui lui permit de commercialiser le platine purifié et d'amasser une fortune considérable avant de révéler publiquement ses techniques en 1828.
Le rhodium (symbole Rh, numéro atomique 45) est un métal de transition du groupe 9 de la classification périodique, appartenant au groupe des métaux du platine. Son atome possède 45 protons, 58 neutrons (pour l'unique isotope stable \(\,^{103}\mathrm{Rh}\)) et 45 électrons avec la configuration électronique [Kr] 4d⁸ 5s¹.
Le rhodium est un métal blanc argenté extrêmement brillant, avec l'une des réflectivités les plus élevées de tous les métaux (environ 80% de la lumière visible). Il possède une densité de 12,41 g/cm³, similaire à celle du ruthénium. Le rhodium cristallise dans une structure cubique à faces centrées (cfc). C'est un métal très dur (dureté Mohs 6) mais plus ductile que le ruthénium ou l'iridium.
Le rhodium fond à 1964 °C (2237 K) et bout à 3695 °C (3968 K). Bien que ces températures soient élevées, le rhodium a le point de fusion le plus bas des métaux du groupe platine après le palladium. Le rhodium possède une conductivité thermique et électrique élevées, comparables à celles de l'argent.
Le rhodium est remarquablement inerte chimiquement, résistant à pratiquement tous les acides à température ambiante, y compris l'eau régale. Cette inertie exceptionnelle, combinée à sa brillance et sa résistance à la corrosion, en fait un matériau de revêtement idéal pour la bijouterie et les réflecteurs.
Le point de fusion du rhodium : 2237 K (1964 °C).
Le point d'ébullition du rhodium : 3968 K (3695 °C).
Le rhodium possède la plus haute réflectivité de tous les métaux du groupe platine.
| Isotope / Notation | Protons (Z) | Neutrons (N) | Masse atomique (u) | Abondance naturelle | Demi-vie / Stabilité | Désintégration / Remarques |
|---|---|---|---|---|---|---|
| Rhodium-103 — \(\,^{103}\mathrm{Rh}\,\) | 45 | 58 | 102,905504 u | 100 % | Stable | Seul isotope stable du rhodium. Le rhodium est un élément mononucléidique. |
| Rhodium-101 — \(\,^{101}\mathrm{Rh}\,\) | 45 | 56 | 100,906164 u | Synthétique | ≈ 3,3 ans | Radioactif (capture électronique). Produit par activation neutronique, utilisé en recherche. |
| Rhodium-102 — \(\,^{102}\mathrm{Rh}\,\) | 45 | 57 | 101,906843 u | Synthétique | ≈ 207 jours | Radioactif (β⁺, capture électronique). Utilisé comme traceur en recherche industrielle. |
| Rhodium-105 — \(\,^{105}\mathrm{Rh}\,\) | 45 | 60 | 104,905694 u | Synthétique | ≈ 35,4 heures | Radioactif (β⁻). Produit de fission, utilisé en radiographie industrielle. |
N.B. :
Couches électroniques : Comment les électrons sont organisés autour du noyau.
Le rhodium possède 45 électrons répartis sur cinq couches électroniques. Sa configuration électronique complète est : 1s² 2s² 2p⁶ 3s² 3p⁶ 3d¹⁰ 4s² 4p⁶ 4d⁸ 5s¹, ou de manière simplifiée : [Kr] 4d⁸ 5s¹. Cette configuration peut également s'écrire : K(2) L(8) M(18) N(16) O(1).
Couche K (n=1) : contient 2 électrons dans la sous-couche 1s. Cette couche interne est complète et très stable.
Couche L (n=2) : contient 8 électrons répartis en 2s² 2p⁶. Cette couche est également complète, formant une configuration de gaz noble (néon).
Couche M (n=3) : contient 18 électrons répartis en 3s² 3p⁶ 3d¹⁰. Cette couche complète contribue à l'écran électronique.
Couche N (n=4) : contient 16 électrons répartis en 4s² 4p⁶ 4d⁸. Les huit électrons 4d sont des électrons de valence.
Couche O (n=5) : contient 1 électron dans la sous-couche 5s. Cet électron est également un électron de valence.
Le rhodium possède 9 électrons de valence : huit électrons 4d⁸ et un électron 5s¹. Le rhodium présente principalement les états d'oxydation +1, +2, +3 et +4, bien que l'état +3 soit de loin le plus commun et le plus stable. L'état d'oxydation +3 apparaît dans la plupart des composés de rhodium, notamment le trichlorure de rhodium (RhCl₃) et l'oxyde de rhodium(III) (Rh₂O₃).
L'état +1 est particulièrement important en catalyse homogène, où des complexes de rhodium(I) comme le catalyseur de Wilkinson [RhCl(PPh₃)₃] sont largement utilisés pour l'hydrogénation d'alcènes. Les états +2 et +4 sont moins courants mais existent dans certains complexes de coordination. Le rhodium métallique correspond à l'état d'oxydation 0.
Le rhodium est l'un des métaux les plus nobles et les plus inertes chimiquement. À température ambiante, il résiste à pratiquement tous les acides, y compris l'eau régale qui dissout l'or et le platine. Seul l'acide sulfurique bouillant concentré peut lentement attaquer le rhodium. Cette résistance exceptionnelle à la corrosion le rend précieux pour les applications nécessitant une stabilité chimique extrême.
Le rhodium ne s'oxyde pas à l'air à température ambiante, conservant indéfiniment son éclat brillant. À haute température (au-dessus de 600 °C), il forme une couche d'oxyde Rh₂O₃ gris-noir qui se décompose spontanément au-dessus de 1100 °C, régénérant le métal pur. Cette décomposition thermique de l'oxyde est une propriété rare parmi les métaux.
Le rhodium peut être dissous par fusion avec des bisulfates alcalins ou par attaque électrochimique dans certaines conditions. Le chlore gazeux à haute température attaque le rhodium, formant du trichlorure de rhodium (RhCl₃), un composé rouge-brun utilisé comme précurseur pour la synthèse de complexes de rhodium.
Le rhodium forme une chimie de coordination riche, particulièrement avec les phosphines, les carbonyles et autres ligands σ-donneurs. Les complexes de rhodium sont parmi les catalyseurs homogènes les plus actifs et sélectifs connus, exploités massivement en synthèse organique industrielle et chimie fine.
L'application dominante du rhodium, représentant plus de 80% de la demande mondiale, est dans les catalyseurs automobiles à trois voies. Ces dispositifs antipollution, obligatoires sur les véhicules à essence dans la plupart des pays depuis les années 1980, utilisent le rhodium pour sa capacité unique à catalyser efficacement la réduction des oxydes d'azote (NOₓ) en azote et oxygène.
Dans un catalyseur à trois voies, le platine et le palladium oxydent le monoxyde de carbone (CO) en dioxyde de carbone (CO₂) et les hydrocarbures imbrûlés en CO₂ et H₂O, tandis que le rhodium réduit simultanément les oxydes d'azote (NO, NO₂) en azote gazeux inoffensif (N₂). Aucun autre métal ne rivalise avec l'efficacité du rhodium pour cette réaction de réduction dans les conditions sévères d'un pot d'échappement (températures élevées, gaz corrosifs, cycles thermiques).
Chaque catalyseur automobile contient typiquement 1 à 2 grammes de rhodium, soit environ 10-20% du contenu total en métaux du groupe platine. La demande automobile de rhodium a explosé avec le durcissement des normes d'émission Euro, EPA et chinoises, créant une tension considérable sur l'offre limitée de ce métal extrêmement rare.
Le recyclage des catalyseurs automobiles usagés est devenu une source majeure de rhodium, représentant environ 30% de l'offre annuelle. Le rhodium est récupéré des pots catalytiques par des procédés complexes impliquant broyage, fusion, dissolution chimique et raffinage électrolytique. Les fluctuations du prix du rhodium ont stimulé le vol massif de catalyseurs dans de nombreux pays.
Le rhodium est régulièrement le métal précieux le plus cher au monde, surpassant même l'or, le platine et le palladium. Son prix est extrêmement volatil en raison de l'offre très limitée (environ 30 tonnes par an) et de la demande inélastique de l'industrie automobile qui ne peut substituer le rhodium par aucun autre métal pour la réduction des NOₓ.
Le prix du rhodium a connu des fluctuations spectaculaires : environ 500 dollars l'once troy au début des années 2000, pic historique à plus de 10 000 dollars en 2008, chute à 1000 dollars pendant la crise financière, remontée progressive à 2000-3000 dollars dans les années 2010, puis explosion à plus de 29 000 dollars l'once en 2021 (près d'un million de dollars par kilogramme) avant de retomber à 4000-6000 dollars en 2023-2024.
Ces fluctuations extrêmes reflètent les déséquilibres entre une offre géographiquement très concentrée (80% en Afrique du Sud) et sujette à des perturbations (grèves minières, problèmes énergétiques), et une demande automobile rigide amplifiée par la spéculation financière. Le marché du rhodium est l'un des plus petits et des plus opaques des métaux précieux, avec seulement quelques milliers de kilogrammes échangés annuellement.
Le rhodium est synthétisé dans les étoiles principalement par le processus s (capture lente de neutrons) dans les étoiles de la branche asymptotique des géantes (AGB), avec des contributions significatives du processus r (capture rapide de neutrons) lors de supernovae et de fusions d'étoiles à neutrons. Le rhodium-103, unique isotope stable, se situe dans une région de la courbe de stabilité nucléaire favorisée par ces processus.
L'abondance cosmique du rhodium est d'environ 3×10⁻¹⁰ fois celle de l'hydrogène en nombre d'atomes, ce qui en fait l'un des éléments les plus rares de l'univers. Cette rareté extrême s'explique par sa position défavorable dans la courbe de stabilité nucléaire et par les faibles sections efficaces de capture neutronique de ses précurseurs.
Les raies spectrales du rhodium neutre (Rh I) et ionisé (Rh II) sont extrêmement difficiles à observer dans les spectres stellaires en raison de la très faible abondance cosmique de cet élément. Néanmoins, des raies de rhodium ont été détectées dans quelques étoiles chimiquement particulières ultra-enrichies en éléments du processus s et r.
Les variations isotopiques dans les météorites sont impossibles à mesurer pour le rhodium puisqu'il ne possède qu'un seul isotope stable. Cependant, l'abondance absolue du rhodium dans les météorites primitives fournit des contraintes sur les processus de nucléosynthèse ayant contribué à la formation du système solaire.
N.B. :
Le rhodium est l'un des éléments les plus rares de la croûte terrestre avec une concentration moyenne d'environ 0,001 ppm (1 partie par milliard), soit environ 5000 fois plus rare que l'or et 10 000 fois plus rare que l'argent. Il ne forme jamais de minerais propres mais se trouve toujours associé aux autres métaux du groupe platine dans les minerais de platine natif.
L'Afrique du Sud domine massivement la production mondiale de rhodium avec environ 80% de l'offre, principalement du complexe du Bushveld, le plus grand gisement de métaux du groupe platine au monde. La Russie fournit environ 10%, et le reste provient du Canada, du Zimbabwe et des États-Unis. La production mondiale totale est d'environ 30 tonnes par an, rendant le rhodium l'un des métaux les plus rares produits commercialement.
Le rhodium est extrait comme sous-produit du raffinage du platine et du nickel par des procédés hydrométallurgiques extrêmement complexes. Après dissolution dans l'eau régale, séparation par extraction liquide-liquide et précipitation sélective, le rhodium est purifié par distillation de complexes volatils ou par électrolyse. Le processus complet peut prendre plusieurs mois et nécessite une expertise métallurgique considérable.