
Le chrome a été découvert en 1797 par le chimiste français Louis Nicolas Vauquelin (1763-1829) alors qu'il analysait un minéral rouge vif provenant de Sibérie, la crocoïte (chromate de plomb, PbCrO₄). Intrigué par les couleurs variées des composés qu'il obtenait lors de ses analyses, Vauquelin isola un nouvel élément métallique qu'il nomma chrome, du grec chroma signifiant « couleur », en référence aux teintes éclatantes de ses composés (vert, jaune, orange, rouge). La même année, Vauquelin découvrit également le béryllium, faisant de 1797 une année remarquable dans l'histoire de la chimie. Le chrome métallique pur ne fut isolé qu'ultérieurement, car sa production nécessite des techniques de réduction complexes en raison de sa grande affinité pour l'oxygène.
Le chrome (symbole Cr, numéro atomique 24) est un métal de transition du groupe 6 du tableau périodique. Son atome possède 24 protons, généralement 28 neutrons (pour l'isotope le plus abondant \(\,^{52}\mathrm{Cr}\)) et 24 électrons avec la configuration électronique [Ar] 3d⁵ 4s¹ (Ar = raccourci qui représente les 18 premiers électrons du chrome).
À température ambiante, le chrome est un métal solide blanc argenté avec un éclat métallique caractéristique. Il est relativement dense (densité ≈ 7.19 g/cm³) et extrêmement dur, se classant comme l'un des métaux les plus durs existants. Il possède une excellente résistance à la corrosion grâce à la formation spontanée d'une fine couche d'oxyde de chrome (Cr₂O₃) qui le rend inerte dans l'air et l'eau. Le point de fusion (état liquide) du chrome : 2 180 K (1 907 °C). Le point d'ébullition (état gazeux) du chrome : 2 944 K (2 671 °C).
| Isotope / Notation | Protons (Z) | Neutrons (N) | Masse atomique (u) | Abondance naturelle | Demi-vie / Stabilité | Décroissance / Remarques |
|---|---|---|---|---|---|---|
| Chrome-50 — \(\,^{50}\mathrm{Cr}\,\) | 24 | 26 | 49.946044 u | ≈ 4.345 % | Stable | Isotope stable le plus léger du chrome naturel. |
| Chrome-52 — \(\,^{52}\mathrm{Cr}\,\) | 24 | 28 | 51.940507 u | ≈ 83.789 % | Stable | Isotope dominant du chrome ; le plus abondant dans la nature. |
| Chrome-53 — \(\,^{53}\mathrm{Cr}\,\) | 24 | 29 | 52.940649 u | ≈ 9.501 % | Stable | Possède un moment magnétique nucléaire ; utilisé en RMN et comme traceur isotopique. |
| Chrome-54 — \(\,^{54}\mathrm{Cr}\,\) | 24 | 30 | 53.938880 u | ≈ 2.365 % | Stable | Isotope stable le plus lourd du chrome naturel. |
| Chrome-51 — \(\,^{51}\mathrm{Cr}\,\) | 24 | 27 | 50.944767 u | Synthétique | ≈ 27.7 jours | Radioactif, capture électronique vers \(\,^{51}\mathrm{V}\). Utilisé en médecine nucléaire pour marquer les globules rouges. |
| Chrome-48 — \(\,^{48}\mathrm{Cr}\,\) | 24 | 24 | 47.954032 u | Synthétique | ≈ 21.6 heures | Radioactif, désintégration β⁺. Produit dans les collisions de particules à haute énergie. |
N.B. :
Les couches électroniques : Comment les électrons s'organisent autour du noyau.
Le chrome possède 24 électrons répartis sur quatre couches électroniques. Sa configuration électronique présente une particularité remarquable : 1s² 2s² 2p⁶ 3s² 3p⁶ 3d⁵ 4s¹, ou de manière simplifiée : [Ar] 3d⁵ 4s¹. Cette configuration peut aussi s'écrire : K(2) L(8) M(13) N(1). La configuration atypique 3d⁵ 4s¹ (au lieu de 3d⁴ 4s²) s'explique par la stabilité particulière d'une sous-couche d semi-remplie.
Couche K (n=1) : contient 2 électrons dans la sous-couche 1s. Cette couche interne est complète et très stable.
Couche L (n=2) : contient 8 électrons répartis en 2s² 2p⁶. Cette couche est également complète, formant une configuration de gaz noble (néon).
Couche M (n=3) : contient 13 électrons répartis en 3s² 3p⁶ 3d⁵. Les orbitales 3s et 3p sont complètes, tandis que les cinq orbitales 3d contiennent chacune un électron non apparié, créant une configuration demi-remplie particulièrement stable.
Couche N (n=4) : contient 1 seul électron dans la sous-couche 4s. Cet arrangement anormal (un seul électron 4s au lieu de deux) résulte d'un transfert énergétiquement favorable vers la sous-couche 3d.
Les 6 électrons des couches externes (3d⁵ 4s¹) constituent les électrons de valence du chrome. Cette configuration explique ses propriétés chimiques variées :
En perdant 1 électron 4s, le chrome peut former l'ion Cr⁺ (rare).
En perdant l'électron 4s et 1 électron 3d, il forme l'ion Cr²⁺ (degré d'oxydation +2).
L'état d'oxydation +3 (Cr³⁺) est très courant et stable, formant de nombreux composés colorés.
L'état d'oxydation +6 (Cr⁶⁺) existe dans les chromates (CrO₄²⁻) et dichromates (Cr₂O₇²⁻), composés oxydants puissants.
La configuration électronique particulière du chrome, avec sa sous-couche 3d demi-remplie, lui confère une stabilité magnétique exceptionnelle. Les cinq électrons non appariés font du chrome un métal paramagnétique. Cette structure explique également la grande variété de couleurs de ses composés : le vert émeraude du Cr³⁺, l'orange vif des dichromates, le jaune des chromates.
Le chrome présente une réactivité chimique paradoxale. À température ambiante, il est remarquablement inerte grâce à la couche d'oxyde Cr₂O₃ qui se forme spontanément à sa surface, le protégeant de la corrosion. Cette passivation explique son utilisation pour protéger d'autres métaux. Cependant, à haute température, le chrome réagit vigoureusement avec l'oxygène, les halogènes, le soufre et l'azote. Le chrome peut exister dans plusieurs états d'oxydation, principalement +2, +3 et +6. Les composés de chrome(III) sont généralement verts et stables, tandis que ceux de chrome(VI) sont jaunes à orange-rouge et fortement oxydants. Le chrome résiste à la plupart des acides dilués grâce à sa couche passive, mais peut être attaqué par l'acide chlorhydrique concentré et chaud. Les composés de chrome(VI) sont toxiques et nécessitent une manipulation prudente.
Le chrome est synthétisé principalement dans les étoiles massives lors de la combustion explosive du silicium précédant les supernovae de type II. Il se forme également par capture de neutrons lents dans une phase tardive de l'évolution des étoiles de masse faible à intermédiaire (environ 0,6 à 10 masses solaires). L'abondance relative des isotopes du chrome dans les météorites primitives fournit des indices précieux sur les conditions physiques régnant dans le disque protoplanétaire et les premiers stades de formation du système solaire.
Le chrome joue un rôle important en spectroscopie stellaire. Les raies d'absorption du chrome neutre (Cr I) et ionisé (Cr II) sont utilisées pour déterminer la composition chimique, la température effective et la métallicité des étoiles. L'étude du rapport chrome/fer dans les étoiles anciennes de notre galaxie aide à comprendre l'évolution chimique de la Voie lactée et les contributions relatives des différents types de supernovae à l'enrichissement du milieu interstellaire. Certaines étoiles particulières, appelées étoiles chimiquement particulières, montrent des surabondances de chrome dues à des processus de diffusion radiative dans leurs atmosphères.
N.B. :
Le chrome est relativement abondant dans la croûte terrestre, occupant la 21ᵉ position avec environ 0,014 % en masse. Il se trouve principalement sous forme de chromite (FeCr₂O₄), le seul minerai de chrome économiquement exploitable. Les principaux gisements se situent en Afrique du Sud, au Kazakhstan et en Inde. L'extraction du chrome métallique nécessite une réduction du minerai, généralement par aluminothermie ou électrolyse. Bien que l'extraction soit moins complexe que celle du titane, la production de chrome de haute pureté pour certaines applications spécialisées reste techniquement exigeante. La demande mondiale de chrome ne cesse de croître, principalement tirée par l'industrie de l'acier inoxydable qui consomme environ 85 % de la production mondiale.