Le cérium est synthétisé dans les étoiles principalement par le processus s (capture lente de neutrons) dans les étoiles de la branche asymptotique des géantes (AGB), avec des contributions du processus r (capture rapide de neutrons) lors des supernovae et des fusions d'étoiles à neutrons. Le cérium est un produit significatif de ces deux processus de nucléosynthèse, ce qui explique son abondance relativement élevée parmi les terres rares.
L'abondance cosmique du cérium est d'environ 1,2×10⁻⁹ fois celle de l'hydrogène en nombre d'atomes, ce qui en fait la terre rare la plus abondante dans l'univers. Cette abondance élevée s'explique par la position favorable du cérium dans la courbe de stabilité nucléaire, particulièrement l'isotope Ce-140 qui possède un nombre magique de neutrons (82), lui conférant une stabilité exceptionnelle.
Les raies spectrales du cérium neutre (Ce I) et ionisé (Ce II) sont observables dans les spectres stellaires, bien que moins proéminentes que celles d'éléments plus légers. Le cérium est utilisé comme traceur de l'enrichissement chimique stellaire et galactique. Le rapport cérium/fer dans les étoiles pauvres en métaux permet de contraindre les contributions relatives des processus s et r dans l'histoire de la nucléosynthèse galactique.
Certaines étoiles chimiquement particulières, notamment les étoiles Ap et les étoiles naines blanches fortement magnétiques, montrent des anomalies d'abondance du cérium. Ces variations sont attribuées à des processus de diffusion atomique dans les atmosphères stellaires sous l'influence de champs magnétiques intenses et de pressions radiatives. L'étude de ces anomalies fournit des informations sur les processus physiques dans les atmosphères stellaires extrêmes.
Le cérium tire son nom de l'astéroïde Cérès, découvert en 1801 par Giuseppe Piazzi. La découverte quasi-simultanée de l'astéroïde et de l'élément conduisit à cette dénomination. Le cérium fut le premier élément de terre rare identifié et isolé, ouvrant la voie à la découverte ultérieure de tous les lanthanides.
En 1803, Jöns Jacob Berzelius (1779-1848) et Wilhelm Hisinger (1766-1852) en Suède, ainsi qu'indépendamment Martin Heinrich Klaproth (1743-1817) en Allemagne, découvrirent un nouvel oxyde terreux dans le minerai de cérite trouvé à Bastnäs, en Suède. Ils démontrèrent qu'il s'agissait d'un élément inconnu, qu'ils nommèrent cérium. La découverte parallèle et indépendante en deux lieux témoigne de l'activité scientifique intense de cette période.
L'isolation du cérium métallique s'avéra difficile en raison de sa réactivité et de sa tendance à former des alliages. En 1825, Carl Gustav Mosander (1797-1858), élève de Berzelius, obtint du cérium métallique impur par réduction du chlorure de cérium avec du potassium métallique. Ce n'est qu'au début du 20ᵉ siècle que des méthodes électrolytiques et de réduction métallothermique permirent d'obtenir du cérium métallique pur en quantités industrielles.
Le cérium est présent dans la croûte terrestre à une concentration moyenne d'environ 66 ppm, le rendant le 25ᵉ élément le plus abondant sur Terre, plus abondant que le cuivre ou le plomb. C'est de loin la terre rare la plus abondante, représentant environ 50% de la masse totale des terres rares dans la croûte terrestre. Les principaux minerais de cérium sont la bastnaésite ((Ce,La)CO₃F) contenant 40-75% d'oxydes de terres rares, et la monazite ((Ce,La,Th)PO₄) contenant 50-70% d'oxydes de terres rares.
La production mondiale d'oxydes de cérium est d'environ 80 000 à 100 000 tonnes par an. La Chine domine massivement la production avec environ 85-90% du total mondial, suivie par les États-Unis, l'Australie, la Birmanie et l'Inde. Cette concentration géographique extrême fait du cérium un élément stratégiquement critique malgré son abondance géologique.
Le cérium métallique est produit principalement par réduction de l'oxyde de cérium (CeO₂) avec du calcium métallique à haute température (réduction calcique), ou par électrolyse de chlorure de cérium fondu. La production annuelle mondiale de cérium métallique est d'environ 20 000 tonnes. Le recyclage du cérium reste limité, représentant moins de 1% de l'offre, bien que les efforts s'intensifient pour récupérer le cérium des catalyseurs automobiles usagés et des lampes fluorescentes.
Le cérium (symbole Ce, numéro atomique 58) est le premier élément de la série des lanthanides, appartenant au groupe des terres rares du bloc f de la classification périodique. Son atome possède 58 protons, généralement 82 neutrons (pour l'isotope le plus abondant \(\,^{140}\mathrm{Ce}\)) et 58 électrons avec la configuration électronique [Xe] 4f¹ 5d¹ 6s² ou [Xe] 4f² 6s² selon l'état.
Le cérium est un métal ductile de couleur gris argenté brillant, s'oxydant rapidement à l'air en formant une couche d'oxyde qui ne protège pas efficacement le métal sous-jacent. Le cérium possède la propriété unique parmi les terres rares de présenter un polymorphisme complexe avec quatre formes allotropiques. La transition α-cérium vers γ-cérium sous pression s'accompagne d'une contraction volumique spectaculaire de 14-17%, phénomène exceptionnel parmi les éléments.
Le cérium fond à 798 °C (1071 K) et bout à 3443 °C (3716 K). Sa densité varie selon la forme allotropique : le γ-cérium (forme stable à température ambiante) possède une densité de 6,77 g/cm³, tandis que l'α-cérium possède une densité de 8,16 g/cm³. Le cérium est un bon conducteur d'électricité et de chaleur, avec une conductivité électrique environ 7 fois inférieure à celle du cuivre.
Le cérium est un métal hautement réactif, particulièrement à température élevée. Il s'enflamme spontanément dans l'air humide à température ambiante et brûle vivement lorsqu'il est chauffé, produisant une flamme blanche brillante. Le cérium réagit vigoureusement avec l'eau, produisant de l'hydroxyde de cérium et du gaz hydrogène. Le cérium en poudre fine ou en copeaux est pyrophorique et s'enflamme spontanément à l'air.
Le point de fusion du cérium : 1071 K (798 °C).
Le point d'ébullition du cérium : 3716 K (3443 °C).
Le cérium présente une transition allotropique sous pression avec une contraction volumique exceptionnelle de 14-17%.
| Isotope / Notation | Protons (Z) | Neutrons (N) | Masse atomique (u) | Abondance naturelle | Demi-vie / Stabilité | Désintégration / Remarques |
|---|---|---|---|---|---|---|
| Cérium-136 — \(\,^{136}\mathrm{Ce}\,\) | 58 | 78 | 135,907172 u | ≈ 0,185 % | Stable | Isotope stable rare du cérium, représentant environ 0,2% du total naturel. |
| Cérium-138 — \(\,^{138}\mathrm{Ce}\,\) | 58 | 80 | 137,905991 u | ≈ 0,251 % | Stable | Isotope stable rare, légèrement plus abondant que Ce-136. |
| Cérium-140 — \(\,^{140}\mathrm{Ce}\,\) | 58 | 82 | 139,905439 u | ≈ 88,450 % | Stable | Isotope ultra-dominant du cérium, représentant près de 88,5% du total. Nombre magique de neutrons (82). |
| Cérium-142 — \(\,^{142}\mathrm{Ce}\,\) | 58 | 84 | 141,909244 u | ≈ 11,114 % | ≈ 5×10¹⁶ ans | Radioactif (double β⁻), demi-vie extrêmement longue, pratiquement stable à l'échelle humaine. |
| Cérium-141 — \(\,^{141}\mathrm{Ce}\,\) | 58 | 83 | 140,908276 u | Synthétique | ≈ 32,5 jours | Radioactif (β⁻). Produit de fission important, utilisé comme traceur en médecine nucléaire et en recherche. |
| Cérium-144 — \(\,^{144}\mathrm{Ce}\,\) | 58 | 86 | 143,913647 u | Synthétique | ≈ 284,9 jours | Radioactif (β⁻). Produit de fission significatif, utilisé comme source de chaleur dans les générateurs thermoélectriques radioisotopiques. |
N.B. :
Couches électroniques : Comment les électrons sont organisés autour du noyau.
Le cérium possède 58 électrons répartis sur six couches électroniques. Sa configuration électronique est inhabituelle et peut s'écrire soit [Xe] 4f¹ 5d¹ 6s², soit [Xe] 4f² 6s² selon l'état énergétique. Cette ambiguïté résulte de la proximité énergétique exceptionnelle des orbitales 4f et 5d dans le cérium, conduisant à des configurations électroniques variables selon l'environnement chimique. Cette configuration peut également s'écrire : K(2) L(8) M(18) N(18) O(19-20) P(2-3).
Couche K (n=1) : contient 2 électrons dans la sous-couche 1s. Cette couche interne est complète et très stable.
Couche L (n=2) : contient 8 électrons répartis en 2s² 2p⁶. Cette couche est également complète, formant une configuration de gaz noble (néon).
Couche M (n=3) : contient 18 électrons répartis en 3s² 3p⁶ 3d¹⁰. Cette couche complète contribue à l'écran électronique.
Couche N (n=4) : contient 18 électrons répartis en 4s² 4p⁶ 4d¹⁰. Cette couche forme une structure stable et complète.
Couche O (n=5) : contient 19 ou 20 électrons selon la configuration : 5s² 5p⁶ 4f¹ 5d¹⁰ ou 5s² 5p⁶ 4f² 5d⁹. La sous-couche 4f commence à se remplir.
Couche P (n=6) : contient 2 ou 3 électrons dans les sous-couches 6s² ou 6s² 6p¹. Ces électrons sont les électrons de valence du cérium.
Le cérium possède typiquement 4 électrons de valence, bien que ce nombre puisse varier. Les principaux états d'oxydation sont +3 et +4. L'état +3 est caractéristique de tous les lanthanides, où le cérium perd trois électrons pour former l'ion Ce³⁺ avec la configuration [Xe] 4f¹. L'état +4 est unique parmi les lanthanides légers et particulièrement stable pour le cérium, formant l'ion Ce⁴⁺ avec la configuration [Xe], isoélectronique avec le xénon.
L'état +4 apparaît dans de nombreux composés importants du cérium, notamment le dioxyde de cérium (CeO₂ ou cérine), qui est le composé de cérium le plus important industriellement. Cette capacité à exister facilement dans deux états d'oxydation fait du cérium un excellent agent oxydant et un catalyseur redox exceptionnel. L'interconversion facile entre Ce³⁺ et Ce⁴⁺ est à la base de nombreuses applications catalytiques du cérium.
Des composés de cérium avec des états d'oxydation +2 ont été synthétisés dans des conditions extrêmes, mais ces composés sont extrêmement instables et s'oxydent rapidement. La chimie du cérium est donc essentiellement dominée par les états +3 et +4, avec une préférence pour l'état +4 dans les conditions oxydantes.
Le cérium est très réactif avec l'oxygène et s'oxyde rapidement à l'air, formant une couche d'oxyde de cérium qui ne protège pas efficacement le métal. À température élevée, le cérium s'enflamme spontanément dans l'air et brûle avec une flamme blanche brillante intense, produisant du dioxyde de cérium (CeO₂) : Ce + O₂ → CeO₂. Le cérium en poudre fine est pyrophorique et s'enflamme spontanément à température ambiante, nécessitant une manipulation en atmosphère inerte.
Le cérium réagit lentement avec l'eau froide mais vigoureusement avec l'eau chaude ou la vapeur, produisant de l'hydroxyde de cérium(III) et dégageant du gaz hydrogène : 2Ce + 6H₂O → 2Ce(OH)₃ + 3H₂↑. Cette réaction s'accélère considérablement à température élevée. L'hydroxyde de cérium(III) est une base modérément forte qui précipite facilement des solutions aqueuses.
Le cérium réagit vigoureusement avec les halogènes pour former des trihalogénures ou tétrahalogénures : 2Ce + 3Cl₂ → 2CeCl₃ ou Ce + 2F₂ → CeF₄. Le cérium se dissout facilement dans les acides, même dilués, avec dégagement d'hydrogène : 2Ce + 6HCl → 2CeCl₃ + 3H₂↑. Il réagit également avec le soufre pour former le sulfure de cérium (Ce₂S₃), avec l'azote à haute température pour former le nitrure (CeN), et avec le carbone pour former le carbure (CeC₂).
La propriété chimique la plus remarquable du cérium est sa capacité à osciller facilement entre les états d'oxydation +3 et +4. Le cérium(IV) est un oxydant puissant en solution acide, capable d'oxyder de nombreux composés organiques et inorganiques. Cette propriété redox est exploitée dans de nombreuses applications catalytiques, particulièrement dans les convertisseurs catalytiques automobiles où le cérium facilite l'oxydation des polluants et la réduction des oxydes d'azote.
L'application dominante du cérium, représentant environ 40-50% de la consommation mondiale, est son utilisation dans les convertisseurs catalytiques automobiles sous forme d'oxyde de cérium (CeO₂ ou cérine). Le cérium joue un rôle crucial dans la réduction des émissions polluantes des véhicules, contribuant significativement à l'amélioration de la qualité de l'air urbain depuis les années 1980.
La fonction principale du cérium dans les catalyseurs trois voies (TWC) est le stockage et la libération d'oxygène. Le cérium oscille entre les états Ce³⁺ (oxyde CeO₁,₅) et Ce⁴⁺ (oxyde CeO₂), capturant l'oxygène excédentaire dans les conditions riches en carburant et le libérant dans les conditions pauvres, maintenant ainsi un ratio air-carburant optimal pour la conversion simultanée du monoxyde de carbone, des hydrocarbures imbrûlés et des oxydes d'azote.
Les convertisseurs catalytiques modernes contiennent typiquement 10-30% d'oxyde de cérium en masse, souvent combiné avec de la zircone (CeO₂-ZrO₂) pour améliorer la stabilité thermique et la capacité de stockage d'oxygène. Un véhicule automobile typique contient 30-100 grammes de cérium dans son catalyseur. Les recherches actuelles visent à augmenter l'efficacité catalytique tout en réduisant la teneur en métaux précieux (platine, palladium, rhodium) grâce à des formulations optimisées de cérium.
Le dioxyde de cérium ultrafin (CeO₂) est le matériau de polissage standard pour les verres optiques de haute précision depuis plus d'un siècle. Sa combinaison unique de dureté modérée, de chimie de surface active et de granulométrie contrôlée permet d'obtenir des surfaces optiques d'une planéité et d'une finition exceptionnelles, inégalées par d'autres abrasifs.
Le polissage au cérium est indispensable pour la fabrication de lentilles photographiques haut de gamme, d'optiques astronomiques, de miroirs de télescopes, de composants laser, de lentilles pour lithographie UV profonde dans la fabrication de semi-conducteurs, et de verres pour écrans plats haute résolution. Le mécanisme de polissage combine une action mécanique (abrasion douce) et une action chimique (hydrolyse de surface du verre), produisant des surfaces d'une rugosité inférieure à 0,5 nanomètre.
L'industrie optique mondiale consomme environ 10 000 à 15 000 tonnes d'oxyde de cérium par an pour le polissage, représentant environ 10-15% de la demande totale de cérium. Un miroir de télescope de 8 mètres de diamètre nécessite plusieurs centaines de kilogrammes d'oxyde de cérium pour atteindre la finition optique requise. Malgré les recherches sur des alternatives, aucun matériau n'a encore égalé les performances du cérium pour le polissage optique de précision extrême.
Le mischmetal est un alliage de terres rares légères contenant typiquement 45-50% de cérium, 25% de lanthane, 15-18% de néodyme, 5% de praséodyme et des traces d'autres lanthanides. Cet alliage présente des propriétés pyrophoriques remarquables : il produit des étincelles intenses lorsqu'il est frotté contre une surface rugueuse, grâce à l'inflammation des copeaux microscopiques arrachés par friction.
L'application historique majeure du mischmetal fut les pierres à briquet, inventées dans les années 1900. Les briquets modernes utilisent toujours ce principe, le mischmetal produisant les étincelles nécessaires à l'allumage du gaz. Cette application grand public a représenté une demande significative de cérium pendant des décennies. Le mischmetal est également utilisé comme additif métallurgique pour désulfurer les aciers et améliorer leurs propriétés mécaniques, ainsi que comme agent de nucléation dans les alliages légers d'aluminium et de magnésium.
Le cérium et ses composés présentent une toxicité faible à modérée. Les composés solubles de cérium peuvent causer des irritations de la peau, des yeux et des voies respiratoires. L'exposition chronique aux poussières de cérium peut provoquer une pneumoconiose professionnelle (cériose) chez les travailleurs exposés dans les industries de polissage et de métallurgie, bien que cette pathologie soit rare et généralement bénigne.
L'ingestion de composés solubles de cérium peut causer des troubles gastro-intestinaux, des nausées et des vomissements. Le cérium s'accumule principalement dans le foie et le squelette osseux en cas d'exposition chronique. Les études toxicologiques sur les animaux suggèrent une toxicité hépatique et une perturbation du métabolisme du calcium à des doses élevées. Cependant, l'exposition humaine significative au cérium reste relativement rare en dehors des environnements professionnels spécialisés.
Les nanoparticules d'oxyde de cérium, de plus en plus utilisées dans les carburants diesel, les catalyseurs et les revêtements, soulèvent des préoccupations environnementales et sanitaires émergentes. Leur petite taille leur permet de pénétrer profondément dans les poumons et potentiellement de traverser les barrières biologiques. Les études in vitro montrent des effets pro-oxydants et des dommages cellulaires à certaines concentrations, bien que les nanoparticules de cérium présentent également des propriétés antioxydantes paradoxales dans d'autres conditions.
L'exposition environnementale au cérium provient principalement de l'extraction minière des terres rares, du raffinage métallurgique, et de l'émission de nanoparticules de cérium provenant des additifs diesel et de l'usure des convertisseurs catalytiques. Les concentrations de cérium dans les sols près des mines de terres rares peuvent être significativement élevées, atteignant plusieurs centaines de ppm. Les normes d'exposition professionnelle fixent généralement la limite à 3-5 mg/m³ pour les poussières respirables. Aucune norme spécifique n'existe encore pour les nanoparticules de cérium dans l'environnement, reflétant l'état précoce des connaissances sur leurs impacts écotoxicologiques.