L'histoire du strontium commence en 1787 dans le village de Strontian, situé dans les Highlands écossais. Des mineurs y découvrirent un minéral inhabituel dans les mines de plomb de la région. Ce minéral, d'apparence différente des autres carbonates connus, attira l'attention des chimistes britanniques. Le médecin et chimiste irlandais Adair Crawford (1748-1795) et le chimiste écossais William Cruickshank analysèrent ce minéral en 1790 et reconnurent qu'il contenait une nouvelle terre (oxyde métallique) distincte de la baryte et de la chaux.
Le minéral fut nommé strontianite d'après le village de Strontian, et la nouvelle terre fut appelée strontiane. Cependant, l'isolement du strontium métallique ne fut réalisé que bien plus tard. En 1808, le chimiste britannique Sir Humphry Davy (1778-1829), pionnier de l'électrochimie, réussit à isoler le strontium par électrolyse d'un mélange humide d'oxyde de strontium et d'oxyde de mercure, utilisant une technique similaire à celle qu'il avait développée pour isoler le sodium, le potassium, le calcium et le baryum.
La découverte du strontium s'inscrit dans une période d'intense activité en chimie où les méthodes d'analyse spectrale et électrochimique permettaient d'identifier et d'isoler de nouveaux éléments. Davy isola le strontium métallique sous forme d'un amalgame avec le mercure, puis obtint le métal pur en distillant le mercure. Le nom strontium fut définitivement adopté en référence au village écossais où le minerai fut découvert.
En 1852, le chimiste écossais Thomas Anderson découvrit une autre forme minérale importante du strontium, la célestine (ou célestite), un sulfate de strontium (SrSO₄) de couleur bleu ciel, qui devint par la suite la principale source industrielle de strontium. Cette découverte permit l'exploitation commerciale du strontium pour diverses applications industrielles.
Le strontium (symbole Sr, numéro atomique 38) est un métal alcalino-terreux du groupe 2 de la classification périodique. Son atome possède 38 protons, généralement 50 neutrons (pour l'isotope le plus abondant \(\,^{88}\mathrm{Sr}\)) et 38 électrons avec la configuration électronique [Kr] 5s².
Le strontium est un métal mou, blanc argenté et brillant lorsqu'il est fraîchement coupé. Il possède une densité de 2,64 g/cm³, intermédiaire entre celle du calcium (1,55 g/cm³) et du baryum (3,51 g/cm³), reflétant sa position dans le groupe 2. Le strontium est suffisamment mou pour être coupé avec un couteau, bien qu'il soit légèrement plus dur que le calcium.
Le strontium cristallise dans une structure cubique à faces centrées (cfc) à température ambiante. À environ 215 °C, il subit une transformation de phase vers une structure hexagonale compacte (hc). Cette transition de phase affecte certaines de ses propriétés physiques comme la conductivité électrique et thermique.
Le strontium fond à 777 °C (1050 K) et bout à 1382 °C (1655 K). À l'air libre, le strontium métallique se ternit rapidement en formant une couche d'oxyde et de nitrure jaunâtre. Cette couche protectrice ralentit l'oxydation ultérieure mais n'empêche pas la corrosion progressive du métal. Pour cette raison, le strontium métallique doit être conservé dans l'huile minérale ou sous atmosphère inerte d'argon.
Le point de fusion du strontium : 1050 K (777 °C).
Le point d'ébullition du strontium : 1655 K (1382 °C).
Le strontium possède une conductivité électrique d'environ 7,9% de celle du cuivre.
| Isotope / Notation | Protons (Z) | Neutrons (N) | Masse atomique (u) | Abondance naturelle | Demi-vie / Stabilité | Désintégration / Remarques |
|---|---|---|---|---|---|---|
| Strontium-84 — \(\,^{84}\mathrm{Sr}\,\) | 38 | 46 | 83,913425 u | ≈ 0,56 % | Stable | Isotope stable le plus léger et le plus rare du strontium naturel. |
| Strontium-86 — \(\,^{86}\mathrm{Sr}\,\) | 38 | 48 | 85,909260 u | ≈ 9,86 % | Stable | Deuxième isotope stable le plus rare, utilisé comme traceur en géochimie. |
| Strontium-87 — \(\,^{87}\mathrm{Sr}\,\) | 38 | 49 | 86,908877 u | ≈ 7,00 % | Stable | Isotope radiogénique produit par désintégration du rubidium-87. Utilisé en datation Rb-Sr et traçage géologique. |
| Strontium-88 — \(\,^{88}\mathrm{Sr}\,\) | 38 | 50 | 87,905612 u | ≈ 82,58 % | Stable | Isotope de loin le plus abondant du strontium naturel, représentant plus de 4/5 du total. |
| Strontium-89 — \(\,^{89}\mathrm{Sr}\,\) | 38 | 51 | 88,907451 u | Synthétique | ≈ 50,6 jours | Radioactif (β⁻). Produit de fission nucléaire. Utilisé en médecine nucléaire pour traiter les métastases osseuses douloureuses. |
| Strontium-90 — \(\,^{90}\mathrm{Sr}\,\) | 38 | 52 | 89,907474 u | Synthétique | ≈ 28,8 ans | Radioactif (β⁻). Produit de fission majeur, très dangereux car s'accumule dans les os. Contaminant radiologique important. |
| Strontium-85 — \(\,^{85}\mathrm{Sr}\,\) | 38 | 47 | 84,912933 u | Synthétique | ≈ 64,8 jours | Radioactif (capture électronique). Émetteur gamma utilisé comme traceur en médecine et en hydrologie. |
N.B. :
Couches électroniques : Comment les électrons sont organisés autour du noyau.
Le strontium possède 38 électrons répartis sur cinq couches électroniques. Sa configuration électronique complète est : 1s² 2s² 2p⁶ 3s² 3p⁶ 3d¹⁰ 4s² 4p⁶ 5s², ou de manière simplifiée : [Kr] 5s². Cette configuration peut également s'écrire : K(2) L(8) M(18) N(8) O(2).
Couche K (n=1) : contient 2 électrons dans la sous-couche 1s. Cette couche interne est complète et très stable.
Couche L (n=2) : contient 8 électrons répartis en 2s² 2p⁶. Cette couche est également complète, formant une configuration de gaz noble (néon).
Couche M (n=3) : contient 18 électrons répartis en 3s² 3p⁶ 3d¹⁰. Cette couche complète contribue à l'écran électronique protégeant les électrons de valence.
Couche N (n=4) : contient 8 électrons répartis en 4s² 4p⁶, formant la configuration du gaz noble krypton.
Couche O (n=5) : contient 2 électrons dans la sous-couche 5s. Ces deux électrons sont les électrons de valence du strontium.
Les 2 électrons de la couche externe (5s²) sont les électrons de valence du strontium. Ces électrons sont relativement faiblement liés au noyau en raison de la distance importante qui les sépare du noyau et de l'effet d'écran des couches électroniques internes complètes. Cette faible énergie d'ionisation confère au strontium une réactivité chimique élevée, caractéristique des métaux alcalino-terreux.
L'état d'oxydation du strontium est exclusivement +2 dans tous ses composés chimiques stables. Le strontium perd facilement ses deux électrons de valence pour former l'ion Sr²⁺ avec la configuration électronique stable du krypton [Ar] 3d¹⁰ 4s² 4p⁶. Cette configuration d'octet complet avec 36 électrons rend l'ion strontium particulièrement stable.
Le rayon ionique de Sr²⁺ (118 pm) est nettement plus grand que celui du calcium Ca²⁺ (100 pm) et plus petit que celui du baryum Ba²⁺ (135 pm), reflétant sa position intermédiaire dans le groupe 2. Cette taille intermédiaire a des conséquences importantes en biochimie et en géochimie, car l'ion strontium peut se substituer à l'ion calcium dans de nombreuses structures cristallines et processus biologiques.
L'électronégativité modérée du strontium (0,95 sur l'échelle de Pauling) indique que ses liaisons chimiques sont principalement ioniques. Le strontium forme des composés ioniques avec pratiquement tous les non-métaux, notamment les halogènes, l'oxygène, le soufre et les groupes anioniques comme les carbonates, sulfates et nitrates. Le caractère métallique prononcé du strontium le classe parmi les éléments les plus électropositifs.
Le strontium est un métal hautement réactif, bien que légèrement moins que le calcium. Il réagit vigoureusement avec l'eau à température ambiante, produisant de l'hydroxyde de strontium et de l'hydrogène gazeux : Sr + 2H₂O → Sr(OH)₂ + H₂. La réaction est exothermique et produit suffisamment de chaleur pour enflammer l'hydrogène dégagé, créant une flamme rouge carmin caractéristique due au strontium vaporisé.
À l'air, le strontium s'oxyde rapidement, d'abord en formant une couche d'oxyde de strontium (SrO), puis en nitrure de strontium (Sr₃N₂) en présence d'azote atmosphérique : 2Sr + O₂ → 2SrO et 3Sr + N₂ → Sr₃N₂. La surface du métal passe du blanc argenté brillant au jaune terne en quelques minutes. À haute température (au-dessus de 300 °C), le strontium brûle dans l'air avec une flamme rouge éclatante caractéristique.
Avec les halogènes, le strontium réagit énergiquement pour former des halogénures de strontium : Sr + Cl₂ → SrCl₂. Les halogénures de strontium (SrF₂, SrCl₂, SrBr₂, SrI₂) sont des solides ioniques blancs, très stables et hygroscopiques. Le chlorure de strontium (SrCl₂) est particulièrement utilisé en pyrotechnie pour produire des flammes rouges intenses.
Le strontium réagit avec les acides, même dilués, pour former des sels de strontium et libérer de l'hydrogène : Sr + 2HCl → SrCl₂ + H₂. Avec l'acide sulfurique dilué, la réaction ralentit rapidement car le sulfate de strontium (SrSO₄) formé est peu soluble et recouvre le métal d'une couche protectrice.
Le strontium réagit directement avec l'hydrogène à haute température (environ 200-500 °C) pour former l'hydrure de strontium (SrH₂), un composé ionique gris utilisé comme source d'hydrogène et agent réducteur. Avec le carbone à haute température, il forme le carbure de strontium (SrC₂), qui réagit avec l'eau pour produire de l'acétylène.
Le strontium forme des composés importants avec l'oxygène : l'oxyde SrO, le peroxyde SrO₂ et le superoxyde Sr(O₂)₂. L'hydroxyde de strontium Sr(OH)₂ est une base forte soluble, formant des solutions alcalines caustiques. Le carbonate de strontium (SrCO₃), présent naturellement dans la strontianite, est peu soluble dans l'eau et se décompose à haute température pour donner l'oxyde.
Le strontium-90 est l'un des produits de fission les plus dangereux issus des réactions nucléaires et des explosions d'armes atomiques. Avec une demi-vie de 28,8 ans, il reste radioactif pendant plusieurs siècles (environ 10 demi-vies, soit près de 300 ans). Le strontium-90 se forme lors de la fission de l'uranium-235 et du plutonium-239 avec un rendement de fission d'environ 5 à 6%.
Le danger particulier du strontium-90 provient de sa similitude chimique avec le calcium. Lorsqu'il est ingéré ou inhalé, le strontium-90 se concentre dans les os et les dents, où il se substitue au calcium dans l'hydroxyapatite. Une fois incorporé dans le squelette, il y reste pendant de nombreuses années, irradiant continuellement les tissus osseux et la moelle osseuse par émission de rayons bêta. Cette irradiation chronique augmente considérablement le risque de cancer des os, de leucémie et d'autres troubles hématologiques.
Les principales sources de contamination au strontium-90 dans l'environnement ont été les essais nucléaires atmosphériques menés entre 1945 et 1980, qui ont dispersé d'importantes quantités de strontium-90 dans l'atmosphère mondiale. Les retombées radioactives se sont déposées sur les sols agricoles, contaminant les cultures et entrant dans la chaîne alimentaire, notamment via les produits laitiers.
Les accidents nucléaires majeurs comme ceux de Tchernobyl (1986) et de Fukushima (2011) ont également libéré des quantités significatives de strontium-90 dans l'environnement. À Tchernobyl, on estime qu'environ 10% de l'inventaire de strontium-90 du réacteur a été libéré, créant des zones de contamination persistante dans un rayon de plusieurs dizaines de kilomètres autour du site.
La surveillance environnementale du strontium-90 reste un enjeu important de santé publique. Les niveaux dans l'environnement ont considérablement diminué depuis l'arrêt des essais atmosphériques, mais le strontium-90 continue d'être détectable dans les sols, les sédiments et certains produits alimentaires, particulièrement dans les régions affectées par les retombées historiques ou les accidents nucléaires.
Le strontium est synthétisé dans les étoiles par plusieurs processus de nucléosynthèse stellaire. Les isotopes stables du strontium (\(\,^{84}\mathrm{Sr}\), \(\,^{86}\mathrm{Sr}\), \(\,^{87}\mathrm{Sr}\), \(\,^{88}\mathrm{Sr}\)) sont principalement produits par le processus s (capture lente de neutrons) dans les étoiles de la branche asymptotique des géantes (AGB), avec des contributions du processus r (capture rapide de neutrons) lors de supernovae et de fusions d'étoiles à neutrons.
L'isotope strontium-87 occupe une position particulière car il est à la fois primordial (formé par nucléosynthèse stellaire) et radiogénique (produit par la désintégration du rubidium-87). Le rapport isotopique ⁸⁷Sr/⁸⁶Sr dans les roches et météorites augmente avec le temps en raison de l'accumulation de strontium-87 radiogénique. Ce rapport constitue un outil géochronologique et géochimique fondamental.
L'abondance cosmique du strontium est d'environ 2,3×10⁻⁹ fois celle de l'hydrogène en nombre d'atomes. Cette abondance relativement modeste reflète sa position au-delà du pic de fer dans la courbe de stabilité nucléaire, où les processus de nucléosynthèse deviennent moins efficaces.
Le rapport isotopique ⁸⁷Sr/⁸⁶Sr est utilisé pour tracer l'origine et l'évolution des matériaux dans le système solaire. Les météorites primitives comme les chondrites présentent des rapports ⁸⁷Sr/⁸⁶Sr initiaux homogènes d'environ 0,699, représentant la composition du système solaire primitif. Les variations observées dans différentes roches terrestres et météorites permettent de reconstruire l'histoire thermique et géochimique des corps planétaires.
Les raies spectrales du strontium neutre (Sr I) et ionisé (Sr II) sont particulièrement importantes en astrophysique spectroscopique. La raie Sr II à 407,8 nm est une raie de résonance forte, facilement observable dans les spectres stellaires. L'analyse de cette raie et d'autres raies du strontium permet de déterminer l'abondance du strontium dans les étoiles de différents types et âges, traçant ainsi l'enrichissement chimique des galaxies.
Des excès significatifs en strontium ont été observés dans certaines étoiles chimiquement particulières, notamment les étoiles de type baryum et les étoiles carbonées, qui ont été enrichies en éléments du processus s par transfert de masse d'une étoile compagnon AGB. Ces observations confirment notre compréhension de la nucléosynthèse et de l'évolution stellaire en systèmes binaires.
N.B. :
Le strontium est présent dans la croûte terrestre à une concentration moyenne d'environ 0,036% en masse (360 ppm), ce qui en fait le 15ᵉ élément le plus abondant de la croûte. Il est plus abondant que le carbone, le soufre ou le chlore. Le strontium ne se trouve jamais à l'état natif mais toujours combiné dans des minéraux.
Les deux principaux minerais de strontium sont la célestine ou célestite (sulfate de strontium, SrSO₄) et la strontianite (carbonate de strontium, SrCO₃). La célestine, de loin la plus abondante et la principale source commerciale, se présente sous forme de cristaux bleu ciel à incolores. Les principaux gisements de célestine se trouvent en Espagne, au Mexique, en Turquie, en Iran et en Argentine.
La production mondiale de composés de strontium (principalement sous forme de carbonate et de nitrate) est d'environ 350 000 tonnes par an. L'Espagne, la Chine, le Mexique et l'Argentine sont les principaux producteurs. Le strontium métallique pur est produit en quantités beaucoup plus faibles, principalement par réduction de l'oxyde de strontium avec de l'aluminium à haute température dans le vide.
Le marché du strontium a considérablement évolué au cours des dernières décennies. La demande pour les tubes cathodiques de télévision, autrefois l'application principale, a pratiquement disparu avec l'avènement des écrans plats. Aujourd'hui, la demande est dominée par les aimants en ferrite, les feux d'artifice et les applications spécialisées en céramique et en métallurgie. Le prix du carbonate de strontium varie entre 300 et 800 euros par tonne selon la pureté et les conditions du marché.
Le strontium joue un rôle croissant dans les technologies quantiques de précision. Les horloges atomiques optiques au strontium, développées depuis les années 2000, comptent parmi les dispositifs de mesure du temps les plus précis jamais créés. Ces horloges, qui exploitent des transitions électroniques ultra-étroites dans les atomes de strontium refroidis par laser, atteignent une précision de l'ordre de 10⁻¹⁸, ne perdant ou ne gagnant qu'une seconde tous les 15 milliards d'années (plus long que l'âge de l'univers). Ces dispositifs pourraient révolutionner la métrologie du temps et permettre de nouvelles applications en géodésie, navigation et tests de physique fondamentale.