En 2021, une équipe du USGS a révélé une découverte majeure : des empreintes humaines parfaitement conservées dans le gypse du bassin de White Sands, au Nouveau-Mexique. Ces traces, datées par la méthode de datation par le radiocarbone 14 C, remontent à environ 23 000 ans, ce qui précède de plusieurs millénaires la colonisation humaine traditionnellement admise des Amériques (autour de 13 000 ans pour la culture Clovis).
Ces empreintes appartiendraient à des adolescents et des enfants se déplaçant le long d’un ancien rivage lacustre, à une époque où le climat était froid et humide durant le Dernier Maximum Glaciaire.
N.B. :
La méthode du carbone 14 repose sur la désintégration radioactive de l’isotope \(^{14}\mathrm{C}\), présent dans les tissus organiques tant qu’ils échangent du carbone avec l’atmosphère. À la mort de l’organisme, cet échange cesse, et la décroissance du \(^{14}\mathrm{C}\) suit une loi exponentielle de période \(T_{1/2} = 5730 \pm 40\) ans. En mesurant le rapport \(\frac{^{14}\mathrm{C}}{^{12}\mathrm{C}}\) restant dans un échantillon, on peut estimer son âge jusqu’à environ 50 000 ans. Cette technique, mise au point par Willard Frank Libby (1908-1980), repose sur le principe général de la cinétique de décroissance et nécessite des corrections liées aux variations du taux de \(^{14}\mathrm{C}\) atmosphérique dans le temps.
Le site de White Sands est situé dans une vaste plaine d’évaporation formée par la dessiccation du lac Otero. Le sédiment blanc, riche en gypse, a favorisé la préservation exceptionnelle des empreintes. Celles-ci sont imprimées dans des couches alternées de boue et de cendres volcaniques.
Le gypse recristallisé a formé un moule naturel empêchant l’érosion. Grâce à la stratigraphie fine et à la datation des graines de ruppie trouvées dans les mêmes couches, les chercheurs ont pu estimer la chronologie précise de ces déplacements humains.
N.B. ;
Le terme « Monument national » désigne, aux États-Unis, un territoire protégé par proclamation présidentielle, en vertu de l’Antiquities Act de 1906.
Avant cette découverte, la théorie dominante soutenait que les premiers humains d’Amérique avaient traversé le détroit de Béring après la fonte des glaciers, vers 13 000 ans avant notre ère. Les empreintes de White Sands remettent en cause cette chronologie.
Elles suggèrent une présence humaine antérieure d’au moins 10 000 ans, impliquant une arrivée par voie côtière ou une migration pré-glaciaire.
Cette hypothèse rejoint les travaux de Ruth Gruhn (1921-2021), anthropologue ayant longtemps défendu l’idée d’un peuplement côtier plus ancien des Amériques.
L’analyse métrique et morphologique des empreintes révèle des longueurs comprises entre 20 et 24 cm, soit des individus de taille moyenne, probablement âgés de 10 à 15 ans.
Les chercheurs ont modélisé la pression exercée sur le substrat à partir de la profondeur d’enfoncement : \( P = \frac{F}{S} \) où \(F\) est la force exercée par le poids corporel et \(S\) la surface de contact du pied.
Les variations de \(P\) indiquent des vitesses de déplacement proches de 1,7 m/s, typiques d’une marche rapide. Ces données sont comparées aux empreintes animales (paresseux géants, mammouths) également présentes, révélant des interactions directes entre humains et mégafaune.
Les empreintes de White Sands apportent une preuve directe, et non plus seulement archéologique, de la présence humaine durant le Pléistocène supérieur. Elles s’inscrivent dans une série d’indices de plus en plus nombreux : outils lithiques de Chiquihuite (Mexique), ossements de Bluefish Caves (Canada), ou traces de foyers anciens au Chili (Monte Verde).
Cette convergence suggère que l’Homme moderne avait atteint l’Amérique bien avant la fin du dernier âge glaciaire, et qu’il a coexisté avec la mégafaune jusqu’à son extinction progressive vers 10 000 ans.
N.B. :
Le Pléistocène supérieur correspond à la partie finale du Pléistocène, s’étendant approximativement de 126 000 à 11 700 ans avant notre ère. Cette période est caractérisée par des fluctuations climatiques importantes, incluant le Dernier Maximum Glaciaire (~26 500 à 19 000 ans BP), qui a entraîné l’expansion des glaciers continentaux, la baisse du niveau des mers et la modification des écosystèmes terrestres et marins. Le Pléistocène supérieur est également crucial pour l’étude de l’évolution humaine moderne et de la colonisation des continents, car il coïncide avec l’apparition et la dispersion des populations d’Homo sapiens hors d’Afrique et la coexistence avec la mégafaune désormais disparue.
Site | Localisation | Datation estimée | Commentaire |
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White Sands | Nouveau-Mexique, États-Unis | ~23 000 ans BP | Empreintes humaines fossiles ; preuve directe de présence pré-Clovis |
Bluefish Caves | Yukon, Canada | ~24 000 ans BP | Ossements travaillés par l’homme ; habitat durant le Dernier Maximum Glaciaire |
Monte Verde | Chili | ~14 500 ans BP | Vestiges de campements humains ; première preuve de peuplement sud-américain |
Cueva de Chiquihuite | Mexique | ~26 000 ans BP | Outillage lithique non associé à des restes fossiles directs |
Meadowcroft Rockshelter | Pennsylvanie, États-Unis | ~16 000 ans BP | Outils pré-Clovis ; preuve d’occupation humaine plus ancienne que prévu |
Page-Ladson | Floride, États-Unis | ~14 500 ans BP | Empreintes et outils lithiques sous eau douce ; contexte fluvial |
Paisley Caves | Oregon, États-Unis | ~14 000 ans BP | Restes humains et artéfacts ; preuves de consommation de graines |
Lehner Ranch | Arizona, États-Unis | ~12 000 ans BP | Site Clovis ; restes de mégafaune chassée |
Folsom | Nouveau-Mexique, États-Unis | ~10 800 ans BP | Culture Folsom ; preuves d’armes de chasse et mégafaune |
Calico | Californie, États-Unis | ~200 000-130 000 ans BP | Artefacts controversés, occupation humaine supposée ancienne |
Cooper’s Ferry | Idaho, États-Unis | ~16 000 ans BP | Pré-Clovis ; outils lithiques et restes de foyer |
Manis Mastodon | Washington, États-Unis | ~14 000 ans BP | Os de mastodonte percé d’une lance en bois ; cohabitation humaine-mégafaune |
Cerutti Mastodon | Californie, États-Unis | ~130 000 ans BP | Restes d’os de mastodonte fracturés ; occupation humaine controversée |
Source : United States Geological Survey (USGS), Smithsonian Magazine, Nature, 2020.