L'ampleur de la question ne permet pas d'y répondre simplement si tant est qu'il y ait une réponse, car la question concerne autant l'aspect philosophique que l'aspect chimique de la vie. Nous constatons que la vie évolue dans le temps en prenant un chemin défini par une infinité de paramètres, ce qui la rend indéfinissable et imprévisible comme si elle obéissait au hasard.
Il existe pourtant une définition biologique de la vie :
« un organisme est dit vivant lorsqu'il échange de la matière et de l'énergie avec son environnement en conservant son autonomie, lorsqu'il se reproduit et évolue par sélection naturelle. »
Tous les organismes vivants assurent leur stabilité en réagissant aux changements de leur environnement.
La vie a donc une faculté tenace d'adaptation et d'apprentissage, n'est-ce pas plutôt cela la vie ?
Mais nous constatons aussi en observant les galaxies, les étoiles et les planètes, que la matière est capable de s'auto-organiser sans être pour autant vivante.
Cependant, une bonne définition de la vie doit prendre en compte ce concept, c’est à dire, la faculté qu’a la matière à progressivement gravir les échelons de la complexité.
La ténacité de la vie n'est-elle pas la preuve qu'elle est présente partout dans l'Univers, attendant un contexte favorable pour poursuivre son chemin vers la complexité ?
Dans les grands fonds des océans, vit un monde étrange. Même dans l’obscurité totale et le froid des abysses, la vie fait preuve d'une grande ténacité.
Les hommes qui s'aventurent toujours de plus en plus loin et en particulier dans les fosses abyssales des océans, y dénichent des organismes étonnants.
Le point le plus bas des océans est la fosse des Mariannes, qui se situe dans la partie nord-ouest de l'océan Pacifique, à 10 916 mètres de profondeur.
A la fin du 19ème siècle, on pensait que la vie n'existait pas dans ces grands fonds, dépourvus de lumière où les conditions de pression sont extrêmes.
A la fin du 20ème siècle, on découvre que dans les sources chaudes des fonds océaniques, une faune peu dense, à l'abri de la lumière, qui continue son développement en imaginant des formes de vie insoupçonnées auparavant. On y découvre de nombreux micro organismes qui favorisent la croissance de la faune locale, crabes, moules, crevettes et organismes très spécifiques de ces milieux. On y voit des poissons monstrueux, des invertébrés déguisés en végétaux et des êtres étranges présents depuis des milliers d'années. A 5000 m de profondeur, il y fait entre -1 et +5° Celsius et la pression est 500 fois celle qui existe à la surface de la planète.
Pour résister à cet environnement, les êtres des abysses sont constitués de tissus indéformables essentiellement liquides et gélatineux, ce qui leur permet d'équilibrer la pression externe avec leur pression interne. Bien sûr il ne leur est pas permis de remonter en surface sous peine d'exploser. A 1000 mètres de profondeur c'est un monde sans lumière que l'on rencontre, donc sans flore, mais certains organismes ont développés des organes bioluminescents, principalement pour attirer leurs proies.
La nourriture, préoccupation permanente des êtres vivants, est rare dans ces abysses et ces organismes doivent être capables de survivre à de longues périodes de disette. Ils ont pour cela des particularités impressionnantes comme celle du poisson Diaphus metopoclampa qui a un estomac élastique lui permettant d'avaler des proies plus grosses que lui.
Leur métabolisme est aussi adapté aux profondeurs extrêmes, ils vivent au ralenti et consomment peu d'énergie.
nota: à 10 000 mètres de profondeur, la pression atteint 1 tonne/cm².
Un être vivant se définit justement par les fonctions qui assurent sa survie, la nutrition et la reproduction restent, même dans des conditions extrêmes, une nécessité absolue pour tout être vivant.
Plus on descend dans les abysses et plus la nourriture se fait rare. A 4000 mètres, seulement 3 % de la matière organique produite en surface parvient jusqu’aux grands fonds. Néanmoins, ces habitants des abysses se sont adaptés à ces conditions, comme le poisson lanterne qui mesure entre 10 et 15 cm de long et agite au-dessus de sa tête un leurre lumineux. Cette lumière est produite par des bactéries qui logent à l’intérieur de l’organe bioluminescent. Cette petite lanterne lui permet à la fois, d’attirer ses proies vers sa bouche béante, et les partenaires sexuels. Certains animaux comme le diable de mer (Caulophryne), adoptent une stratégie leur permettant d’économiser leur énergie, en effet ils attendent immobiles que les proies viennent à eux. Ce prédateur est hérissé d’une centaine d’antennes sensitives grâce auxquelles il détecte le moindre mouvement.
Les concombres des mers, eux, aspirent les sédiments des fonds marins pour en extraire les particules comestibles venues de la surface.
Les organes lumineux ou photophores ou bioluminescents, sont donc primordiaux pour la survie de cette faune abyssale.
Les conditions très particulières qui règnent dans les grandes profondeurs ont favorisé le développement d’une faune totalement différente de celle que l’on rencontre en surface. Au delà de 100 m dans les eaux froides et obscures, les plantes disparaissent, la vie dans les grands fonds est uniquement animale.
Les animaux vivants dans les zones abyssales sont surprenants :
- Certains poissons ont une bouche démesurée par rapport à leur taille, souvent munie de crochets.
- Ils peuvent posséder une mâchoire et un estomac extrêmement extensibles qui leur permettent d’absorber des individus aussi volumineux qu’eux.
- L’obscurité des abysses explique le grand nombre d’espèces aveugles ou, à l’inverse, des espèces à très gros yeux, hypertrophiés et souvent globuleux leur permettant de capter plus de lumière.
- Certains possèdent des organes capables d’émettre de la lumière, les photophores. Les phénomènes de bioluminescence sont particulièrement développés chez les poissons et les céphalopodes de profondeur. Les poissons portent des leurres, sur les flancs, sur la tête ou à l’extrémité d’appendices servant de lampes.
La Souris de mer du genre Aphrodita aculeata, est un ver marin vivant dans l'Atlantique nord, la mer du Nord et la mer Baltique. La souris de mer se trouve normalement enterrée la tête la première dans le sable des fonds marins. Elle vit aussi à des profondeurs de plus de 2 000 mètres. Son corps est recouvert d'un "tapis dense" de soies, semblables à des poils, qui a donné le nom "souris de mer" à cet animal. Son nom scientifique est tiré d'Aphrodite, la déesse grecque de l'amour. Lorsqu'on regarde son ventre, la souris de la mer ressemble à un organe génital féminin. La Souris de mer mesure généralement de 7,5 à 15 centimètres, mais certaines atteignent 30 centimètres. Elles se nourrissent des restes d'animaux morts ou en décomposition. Les soies conduisent remarquablement la lumière, c'est l'une de ses caractéristiques. Habituellement les soies ont un éclat rouge, effrayant les prédateurs, mais quand la lumière brille sur elles perpendiculairement, elles peuvent prendre d'autres teintes jaune, verte et bleue. Ces couleurs sont considérées comme un mécanisme de défense, refoulant les prédateurs potentiels. Mais il est possible que cette caractéristique ne remplisse pas de fonction biologique particulière car elle vit dans les abysses sombres dépourvus de lumière.
C'est néanmoins un remarquable exemple d'ingénierie photonique que nous montre ici la nature à travers cet organisme vivant. L'effet scintillant est produit par de nombreux cylindres hexagonaux situés à l'intérieur des soies. Cette fine structure cristalline conduit la lumière avec un minimum de déperdition.
La recherche scientifique s'intéresse de très près à la souris des mer pour son efficacité à transporter la lumière à travers ses fibres de soies beaucoup plus efficace que nos fibres optiques. Le savoir faire de la nature va permettre à l'homme d'optimiser sa technologie afin d'augmenter la bande passante de la fibre optique.
Le petit poulpe Dumbo ou « poulpe à oreilles » du genre Grimpoteuthis vit dans les abysses entre 1500 et 5000 mètres de profondeur. Lorsqu'il se déplace il donne l'impression de planer en agitant ses grandes oreilles, qui sont en fait de petites ailettes situées au-dessus des yeux qu'il utilise comme des nageoires. C'est un céphalopode (qui signifie tête et pieds), appelé "Dumbo" du nom de l'éléphant volant, animal de fiction créé par la romancière Helen Aberson dans son livre éponyme, paru en 1939. Ce mollusque rare mesure environ 25 cm. Les céphalopodes représentent trois lignées distinctes, le calmar qui évolue en pleine mer, la seiche qui vit un peu au-dessus du fond marin, tandis que le poulpe ou pieuvre ne quitte que rarement le fond. Ils sont apparus dans les océans il y a plusieurs centaines de millions d'années, au cambrien (ère primaire), bien avant les vertébrés. Ces premiers animaux des océans possédaient alors une coquille externe au moment où les poissons et, plus tard, les reptiles se sont répandus certains céphalopodes en compétition avec les vertébrés, ce qui a influencé leur évolution, se sont abrités dans les eaux profondes, perdant peu à peu leur coquille jusqu'à disparaitre à l'ère tertiaire. La faune des abysses fait preuve d'une grande ingéniosité pour survivre et adopte des formes incroyables.
A bord d'un submersible de trois places, Tsunemi Kubodera, zoologiste au Muséum national d'histoire naturelle du Japon, a attiré ce calmar géant avec un appât pour pouvoir le filmer. Le mollusque céphalopode, du genre Architeuthis, a été filmé à 900 mètres de profondeur, dans l'océan Pacifique à environ 15 km à l'est de l'ile japonaise de Chichi. Cet animal légendaire passionne de nombreux scientifiques qui tentent de l'observer dans son habitat naturel, les profondeurs des abysses. Photographier un calmar géant vivant n'est pas une tache aisée et les images de ce mollusque sont rares. Le spécialiste Tsunemi Kubodera a pu photographié un calmar géant en 2004 puis en 2006. C'est à l'aide de la télévision NHK et Disney Channel que le zoologiste a pu cette fois voir de ses yeux ce spécimen rare. C'est en suivant les grands cachalots, leur prédateur naturel, que les spécialistes essaient de filmer cet animal mystérieux des profondeurs.
Ce calmar géant ou calmar colossal, de huit mètres de long et de couleur argent vit dans les abysses. Il peut peser 500 kg comme la femelle calmar capturé en Antarctique en 2007 par des pêcheurs Néo-Zélandais. Lorsqu'il est en danger il peut souffler un nuage d’encre noir ou modifier la couleur de sa peau. Il parait que pour féconder une femelle, il entaille la chair de sa compagne pour y déposer son sperme, cette méthode est appelée « fécondation traumatique ».
Les sources hydrothermales sont localisées dans tous les océans du monde et plus spécifiquement dans la zone des dorsales océaniques.
Les fluides hydrothermaux qui s’échappent de ces évents de hautes températures sont rapidement dilués par l’eau de mer environnante et une partie des minéraux qu’ils contiennent précipitent pour former les édifices hydrothermaux. Le plus grand édifice hydrothermal connu mesure 40 mètres de haut.
Dans les fonds abyssaux où la vie est rare, on trouve des sources hydrothermales grouillantes d’espèces.
Ces sources hydrothermales chaudes peuvent atteindre 350°Celsius. Ce liquide hydrothermal est saturé de microorganismes qui nourrissent toute une chaine alimentaire parmi laquelle on trouve des vers géants de 2 m de long.
C'est en 1977 que le géologue John Corliss découvre ces cheminées dont certaines font plus de 20 mètres. Elles ont été baptisées « hot vents » (sources chaudes).
Dans les grandes profondeurs, la photosynthèse est absente. Pour les écosystèmes des sources hydrothermales, la matière organique est produite par la chimiosynthèse des bactéries dites chimio synthétiques. On les trouve sur les cheminées des sources chaudes mais aussi dans leur panache noir et même dans les tissus de certains invertébrés des lieux. Ces bactéries cassent les molécules de sulfure d’hydrogène rejetées par les sources hydrothermales à l’aide de l’oxygène qu’elles prélèvent dans l’eau de mer. De cette réaction, elles tirent de l’énergie qu’elles utilisent pour fixer le carbone et ainsi fabriquer les molécules organiques du vivant.