Les réseaux informatiques et les réseaux neuronaux du cerveau humain semblent être des systèmes très différents, mais ils partagent une organisation modulaire et hiérarchique similaire.
L’un est construit artificiellement pour optimiser le transfert d’informations, tandis que l’autre a été sélectionné pour traiter des signaux et produire des décisions.
Ces deux réseaux, informatiques et neuronaux, présentent des similarités frappantes dans leur organisation et leur fonctionnement. Les corrélations structurelles et fonctionnelles entre ces deux systèmes complexes font que la compréhension de l'un peut éclairer l'autre.
La couche physique (niveau 1 du modèle OSI : Open Systems Interconnection) gère la transmission brute des signaux électriques, optiques ou radio, sans interprétation des données. De manière analogue, les aires primaires sensorielles et motrices du cerveau traitent les signaux bruts : les aires sensorielles (comme le cortex somatosensoriel) reçoivent des influx nerveux directs des récepteurs (peau, yeux, oreilles), tandis que le cortex moteur envoie des commandes musculaires sous forme de potentiels d’action. Ces zones agissent comme des interfaces "low-level", tout comme la couche physique est l’interface entre le réseau et le monde extérieur (environnement).
La couche liaison de données (couche 2) assure le contrôle des erreurs, l’adressage MAC et la gestion des trames, garantissant une transmission fiable entre nœuds voisins. Dans le cerveau, le thalamus joue un rôle similaire en filtrant et routant les signaux sensoriels vers les bonnes aires corticales, tandis que le cervelet optimise et corrige les mouvements, comme les protocoles de correction d’erreurs (CRC) ou de retransmission (ACK/NACK). Ensemble, ils forment un système de régulation précis, évitant les "collisions" dans le traitement de l’information.
La couche réseau (couche 3) gère le routage logique (adresses IP) et la transmission inter-réseaux. Cette fonction est reflétée par le cortex pariétal postérieur, qui intègre des informations spatiales et sensorielles pour guider les actions, et l’hippocampe, essentiel pour la navigation et la mémoire spatiale (comme une "table de routage" cognitive). Ces structures déterminent "où" et "comment" l’information doit circuler, tout comme un routeur choisit le meilleur chemin pour les paquets.
La couche transport (couche 4, ex : TCP/UDP) assure la fiabilité des communications (contrôle de flux, segmentation, réassemblage). Le système limbique (amygdale, hypothalamus, etc.) remplit une fonction comparable en régulant les "connexions" émotionnelles et motivationnelles. Par exemple, l’amygdale priorise les signaux de danger (comme TCP priorise les ACK), tandis que l’hypothalamus maintient l’équilibre interne (homéostasie), analogue au contrôle de congestion.
La couche session (couche 5) établit, maintient et synchronise les dialogues entre applications (ex : authentification). Le cortex préfrontal joue ce rôle en gérant les interactions complexes : il initie et supervise les tâches (comme ouvrir/fermer une session), inhibe les distractions (gestion des conflits), et planifie des séquences d’actions (synchronisation). C’est le "modérateur" des processus cognitifs, tout comme la couche session orchestre les échanges réseau.
La couche présentation (couche 6) traduit, crypte et formate les données pour qu’elles soient compréhensibles par l’application (ex : JPEG, mp3, SSL). Le cortex temporal (notamment les aires auditives et visuelles associatives) effectue un travail similaire : il interprète les stimuli sensoriels (parole, objets) en leur donnant du sens (reconnaissance des mots, des visages). Cette couche est le pont entre les signaux bruts et leur représentation abstraite.
Enfin, la couche application (couche 7) correspond aux fonctions de haut niveau (HTTP, FTP, messagerie). Dans le cerveau, le cortex associatif multimodal (comme le cortex pariétal-temporal) intègre des informations variées (visuelles, auditives, mnésiques) pour produire des comportements complexes (langage, raisonnement). C’est le niveau où l’information devient action ou pensée consciente, tout comme une application transforme les données en services utilisables.
Le cerveau est le produit de millions d’années de sélection naturelle pour traiter l’information efficacement. Si nos technologies empruntent indirectement ces principes, on peut y voir une universalité des principes d’organisation des systèmes complexes.
Pour gérer la complexité, tout système efficace – biologique ou artificiel – doit séparer les tâches en couches spécialisées, tout en assurant leur intégration fluide, afin qu'elles soient universellement robustes.
La similarité frappante entre l’architecture des réseaux informatiques (comme le modèle OSI) et celle du cerveau humain soulève une question fascinante : Avons-nous inconsciemment copié notre propre biologie pour concevoir nos systèmes technologiques ?
Cela ouvre des perspectives pour mieux comprendre le vivant via des modèles informatiques, concevoir des technologies plus intelligentes en s’inspirant du cerveau, unifier des théories entre biologie, physique et informatique.