Tout le monde sait ce qu'est le temps mais personne ne sait ce qu'est la nature du temps, pourtant nous en parlons sans cesse sous forme de métaphores ou de tautologies. Nous confondons souvent le temps avec les phénomènes temporels et donc nous créons autant de définitions du temps, c'est ce que dit Etienne Klein dans sa conférence "Le temps existe-t-il ?" (voir le dernier chapitre de cette page).
Le temps est linéaire, il est donc impossible de revivre les choses de façon identique, on en repasse jamais deux fois par le même point. Cependant, il semble que nous ayons tous, une façon différente de sentir le temps car chaque moment de notre vie est marqué par une succession continue d'évènements uniques.
Le temps est ce qui passe quand rien ne se passe, a dit Jean Giono (1895-1970). Comme tous les objets de l'Univers sont en mouvement, est-ce une façon de dire que le temps n'existe pas ?
Mais autour de nous les choses bougent, changent, vieillissent et donc il y a bien quelque chose qui passe.
Pendant longtemps, la rotation de la Terre sur son axe a représenté la mesure la plus précise du "temps qui passe". Mais depuis Einstein on sait que le temps, c'est de l'espace or notre Terre est « ballotée » sur le tissu quadridimensionnel de l'espace-temps, comme sur la surface d'un trampoline géant modifié par la gravitation des planètes, du Soleil, des étoiles et de la Galaxie. Ainsi la Terre est en mouvement dans le vaste Univers au gré des fluctuations de l'espace-temps, ne laissant apercevoir aucune trace des entités qui la conduisent. Nous tombons avec elle dans l'infini, en dessinant une succession de points le long de spirales sans cesse différentes.
Nous ne repasserons jamais sur ce point de l'espace-temps où nous sommes en ce moment. Ce lieux unique de l'espace-temps appartient au présent et disparait aussitôt dans le passé, remplacé par un nouvel instant présent, un nouveau point sur le trampoline de l'espace-temps. C'est ainsi que nous poursuivons malgré tout, notre chemin vers un futur incertain.
De plus, nous savons depuis 1905, qu'il n'y a pas de réalité universelle du temps, pour chaque observateur, tous les instants sont uniques. C'est Albert Einstein qui a relativisé le caractère absolu de l'espace et du temps, le mouvement provoque un ralentissement du temps. Ainsi l'espace et le temps sont liés, l'espace est un bout de temps et le temps un bout de l'espace.
Nous nous déplaçons sur la Terre qui voyage (30 km/s) autour du Soleil qui se déplace (230 km/s) autour de la Voie lactée. Celle-ci tombe (90 km/s) à son tour vers la galaxie d'Andromède, chacune de ces galaxies se précipitent (45 km/s) vers le centre du Groupe local, notre amas de galaxies. Le Groupe local est attiré (600 km/s), par l'amas de galaxies de la Vierge et du superamas de l'Hydre et du Centaure, qui tombent à leur tour vers une autre grande agglomération d'amas de galaxies que l'on appelle le grand Attracteur...
Les planètes, les étoiles, les galaxies subissent le cours du temps. L'univers avance, le passé ne pourra jamais plus être rejoué et nos jours sont une succession de causes et d'effets depuis le "début" de l'Univers.
Jamais pris à défaut par l'expérience, le principe de causalité affirme que si un phénomène (la cause) produit un autre phénomène (l'effet), alors l'effet ne peut précéder la cause. C'est ce qui fait que le temps est linéaire et non cyclique. Un temps cyclique est impossible car même si l'on rejouait les conditions initiales de la naissance de l'Univers, puisque c'est un système dynamique toute modification infime entrainerait des résultats imprévisibles sur le long terme (travaux d'Henri Poincaré concernant le phénomène de sensibilité aux conditions initiales). Il est donc impossible de revivre les choses de façon identique car tout phénomène est l'effet d'une cause qui le précède. Grâce au principe de causalité, le passé est inaltérable, il sera éternellement vrai, il ne peut être modifié. Nous ne repasserons jamais deux fois par le même instant.
En d'autres termes, balloté par la gravité, pour chacun d'entre nous, chaque jour est unique.
Nous ne sommes pas inertes mais vivants et nous voyageons au milieu de ce grand ballet cosmique comme des observateurs conscients. A bord de notre vaisseau spatial, notre corps reçoit en permanence de l'information à analyser, beaucoup d'informations, des centaines de milliards d'informations par seconde. Notre corps et en particulier notre cerveau ne gardent que quelques milliers d'informations, celles qui nous intéressent le plus, celles qui vont nous permettre de nous nourrir pour rester vivants, d'évoluer dans notre environnement et de nous reproduire afin de traverser le temps. Égoïstement nos sens filtrent la réalité et les informations que nous enregistrons sont celles qui concernent notre corps, notre entourage, notre espace et notre temps. Pour traverser le temps et évoluer vers toujours plus de complexité, notre cerveau conscient de la mort, a besoin de repères, il introduit donc de la temporalité, et pour cela il a besoin du passé, du présent et du futur.
D'ailleurs n'est-ce pas notre cerveau qui crée le temps, comme le pensent certains scientifiques ?
Peut-être que lorsque nous seront immortels, nous nous débarrasserons du temps, mais pour l'instant nous vieillissons en faisant appel à notre mémoire, nous avons besoin de sentir le temps, d'entendre le tic tac de nos horloges, de se souvenir du passé, de comprendre le présent et de percevoir le futur. Comme la nature du temps nous échappe, ce n'est pas le temps que l'on perçoit mais les variations d'entropie, c'est-à-dire le changement, le devenir des choses, le vieillissement, l'usure mais pas le temps lui même. L'entropie est une fonction thermodynamique, cette grandeur d'état permet de caractériser le désordre d'un système.
L'entropie est liée aux notions d'ordre et de désordre microscopique et plus précisément à la transition d'un état désordonné vers un état encore plus désordonné. Un état est d'autant plus désordonné qu'il peut prendre un plus grand nombre d'états microscopiques différents.
Les êtres vivants sont des systèmes thermodynamiques ouverts dissipatifs d'énergie. Ils échangent de la matière et de l'énergie avec le milieu extérieur et sont de gros consommateurs d'énergie. Ils sont soumis aux mêmes lois physiques que tous les objets de l'univers. La transformation de l’énergie par les êtres vivants s’appuie sur les principes de la thermodynamique.
La dégradation, l'incertitude, le désordre font partie du concept d'entropie. En d'autres termes, avec le temps tout système doit se dérégler, les choses ordonnées se désorganisent globalement et tout au long des échanges, l'énergie se dégrade et l'entropie totale du système augmente, son désordre ne fera que croitre indéfiniment, c’est cela le deuxième principe de la thermodynamique.
Une tasse à café qui se casse ne reviendra jamais en arrière, un organisme qui meurt ne revivra plus.
En d'autres termes, pour notre corps transformé par l'entropie, chaque jour est unique.
N. B. : L'énergie d'un système est sa capacité à fournir un travail. Elle s'exprime en Joule (J). L'unité d’entropie, le Joule par Kelvin correspond à la quantité d’entropie gagnée par un système, qui reçoit 1 Joule de chaleur par Kelvin.
Le temps passe vite, la vitesse du temps est un concept impossible à définir, on ne peut pas parler de la vitesse du temps. Ce qui se passe dans le temps passe vite, mais pas le temps lui même.
Dans quoi le temps s'écoule t-il ?
L'obstacle le plus grave c'est notre façon d'attribuer au temps des propriétés qui ne lui appartiennent pas, on a tendance à attribuer au temps toutes les propriétés de ce qui se passe dans le temps. Le temps cosmologique, le temps philosophique, le temps physique, il y a autant de temps que de disciplines mais il n'y a qu'un seul temps, le temps physique. Galilée a introduit le temps dans la chute d'un corps, formalisé par Newton qui va définir un temps physique, qui s'écoule uniformément du passé vers l'avenir. Le temps n'a qu'un dimension, il est soit linéaire soit cyclique. Le temps est linéaire car il est impossible de revivre les choses de façon identique, tout phénomène est l'effet d'une cause qui le précède. Etienne Klein.
Le temps existe-t-il ?
Conférence donnée le 6 avril 2004 par Etienne Klein.
Auteur(s) : KLEIN Etienne, physicien au CEA
Catégorie : Conférences
Niveau : Tous publics / hors niveau
Disciplines : Astrophysique
Collections : Les conférences de l'Institut d'Astrophysique de Paris (IAP)
producteur : Service du Film de Recherche Scientifique , Institut d'Astrophysique de Paris IAP
Réalisateur(s) : LECAUDEY Marcel, MOUETTE Jean, QUENTIN Loïc