Pour comprendre l'effet tunnel, il faut revenir sur la dualité onde-particule de la mécanique quantique.
En 1911, Ernest Rutherford (1871 - 1937) précise la structure de l'atome et donne une taille au noyau atomique de l'ordre de 10-14 mètre, la petitesse de cette dimension est difficilement imaginable pour notre esprit mais c'est dans ces dimensions que les lois de la mécanique quantique s'expriment.
En physique classique les atomes sont constitués d'un certain nombre d'électrons ponctuels chargés négativement, et d'un noyau quasi-ponctuel, chargé positivement, mais cela soulève un paradoxe. La matière devrait disparaitre, s'annihiler car un électron qui rayonne autour d'un noyau, perd de l'énergie (théorie de James Clerk Maxwell) et donc devrait tomber sur le noyau. Ce qui veut dire que la stabilité d'un atome est incompréhensible dans le cadre de la théorie classique. Par contre, la physique quantique explique ce mystère de l'atome et la stabilité de la matière.
La physique quantique est apparue entre 1925 et 1927, elle dérive de la mécanique quantique initiée par Max Planck (1858 - 1947) en 1900, puis développée par les grands scientifiques du début du vingtième siècle entre 1905 et 1924, dont Einstein, Bohr, Sommerfeld, Kramers, Heisenberg, Pauli et de Broglie.
Dans le domaine de l'infiniment petit, une particule se comporte à la fois comme un corpuscule et comme une onde. La théorie quantique est une théorie non déterministe par définition, c'est-à-dire que même si l'on connait tous les paramètres au départ, il y a des phénomènes que l'on ne peut pas prédire.
Cette incertitude et cet indéterminisme sont intrinsèques à la théorie et donc aux particules subatomiques, constituants de la matière.
En plus de l'incertitude sur la localité, la mécanique quantique tolère l'existence d'états intriqués, c'est-à-dire qu'à l'échelle quantique plusieurs objets séparés spatialement peuvent former un seul objet quantique, qui réagira globalement, cela est important pour entrevoir l'effet tunnel.
En résumé, dans le monde quantique, celui des particules subatomiques, les objets peuvent être à la fois, ici et là, dans un état ou un autre. On ne peut donc déterminer l'état d'un 'système quantique' qu'en l'observant, ce qui a pour effet de détruire l'état en question.
La mécanique quantique, jamais prise à défaut jusqu'à aujourd'hui, explique l'existence de la matière. C'est la plus grande aventure intellectuelle du 20ème siècle, mais il nous fallait des images pour se représenter la structure de la matière quantique.
Depuis l'invention des premiers microscopes, l'homme a toujours voulu se représenter le monde microscopique. En 1981, deux chercheurs d'IBM, Gerd Binnig et Heinrich Rohrer, ont réussi à 'voir' les très, très petites dimensions de l'atome en inventant le microscope à effet tunnel (STM), ils obtiennent le prix Nobel de physique en 1986.
N. B. : c'est en 1928 que le physicien américain Georges Gamow découvre l'effet tunnel de la mécanique quantique.
La STM (Scanning Tunneling Microscope) est largement considéré comme l'instrument qui a ouvert la voie à la nanotechnologie, à la science des semi-conducteur, à la biologie moléculaire et à bien d'autres disciplines scientifiques.
Dans les années 1980, on ne peut pas voir des atomes alors, les physiciens allemand Gerd Binnig et Heinrich Rohrer exploitent un phénomène quantique dans lequel les atomes échappés de la surface d'un solide, forment une sorte de nuage qui plane au-dessus de la surface. En déplaçant une pointe de métal sur la surface à une distance extrêmement petite, les chevauchements de nuages atomiques produisent un échange atomique. Cette échange atomique produit une très faible quantité de courant électrique qui va circuler entre la pointe et la surface. Ce courant électrique peut être mesuré. C'est grâce à ces variations de courant que le STM fournit des informations sur la structure et le relief de la surface. Ensuite à partir de ces informations, un modèle tridimensionnel à l'échelle atomique est construit ce qui donne une image de la surface de l'échantillon. C'est ainsi que nous pouvons 'voir' aujourd'hui, ce nouveau monde quantique et se représenter la structure de la matière dans l'infiniment petit.
Pour cette invention, Gerd Binnig et Heinrich Rohrer obtiennent le prix Nobel de physique 1986.
Le microscope à effet tunnel a précédé tous les autres microscopes en champ proche, plus modernes, comme le microscope à force atomique (AFM) et le microscope optique en champ proche.
Ce type de microscopes en champ proche a permis le développement des nanotechnologies qui nécessitent de manipuler des objets de taille nanométrique (inférieure aux longueurs d'onde de la lumière visible, entre 400 à 800 nm).
Le microscope à effet tunnel illustre, de manière éclatante, la mécanique quantique en mesurant les « enclos quantiques ». Les images d'un enclos quantique nous montrent l'analogie entre les ondes de matière associées aux électrons et les ondes à la surface de l'eau (image ci-dessus).
La microscopie à effet tunnel nécessite d'utiliser un échantillon conducteur d'électricité mais si l'échantillon est isolant, on utilise une technique proche, la microscopie à force atomique (AFM, Atomic Force Microscope). Aujourd'hui, les matières amorphes, non cristallines, sont observées grâce au microscope à force atomique.
Venons-en à l'effet tunnel. À toute onde on associe une particule, c'est ce qu'on appelle la dualité onde-corpuscule. Dans la physique classique, la particule ne peut s'échapper de son noyau, que si son
Dans la physique quantique, cela se passe autrement, la particule est représentée par son onde et cette onde n'est pas entièrement prisonnière à l'intérieur de l'enclos autour du noyau, elle peut passer de l'autre côté de la barrière de potentielle même si son énergie cinétique est inférieure à l'énergie potentielle. Bien sûr la probabilité de s'échapper du noyau est extrêmement petite, mais elle existe. D'ailleurs, cette propriété de la mécanique quantique explique la désintégration de la matière ainsi que la mutation en biologie moléculaire. Tout se passe comme si l'onde creusait un 'tunnel' dans la barrière de potentielle, pour se retrouver de l'autre côté du versant, ainsi libérée de la colle électromagnétique ou nucléaire, la répulsion électrostatique reprend le dessus, c'est ce que l'on appelle l'effet tunnel de la mécanique quantique. C'est ainsi que l'électron peut traverser le vide de l'atome, sortir du métal qui le contient et atteindre un autre métal conducteur. Mais l'image quantique de la transition est plus subtile, elle est comparable à l'image d'un fantôme qui traverse un mur. Une partie du nuage électronique ou protonique passe la barrière de potentielle tandis que l'autre reste dans l'atome, 'coupé en deux' le nuage va se reconstituer d'un côté ou de l'autre, comme si il y avait un nano tunnel.
Le nuage électronique ou protonique va donc, passer ou pas selon son énergie cinétique.
En résumé, plus la barrière de potentiel est haute, plus l'épaisseur à traverser est grande et plus le noyau 'vit longtemps'. D'ailleurs, ceci explique les durées de demi-vie des isotopes (voir nota ci-dessous).
Les durées de demi-vie sont particulièrement longues pour certains isotopes d'éléments chimiques, comme l'uranium 238 (4,5 milliards d'années), l'uranium 234 (240 000 ans) ou le radium 226 (1 600 ans).
Par contre, l'intense radioactivité du radon écourte sa demi-vie, elle est de 3,8 jours pour le radon 222 utilisé en radiothérapie.
Si l'on représente par un diagramme, l'énergie potentielle d'une particule, comme celle de l'électron ou celle d'un proton lié au noyau, on peut imaginer une colline d'autant plus basse qu'elle s'éloigne du centre d'attraction.
On en déduit que plus la radioactivité est forte, moins le tunnel à creuser sera long (image ci-contre). Mais l'onde ne s'arrête pas en un point précis, elle se propage dans la barrière, bien que son amplitude décroit très vite, si la barrière de potentiel est très fine, l'onde passe à travers comme un fantôme et se propage jusqu'au prochain point d'attraction.
C'est une conséquence directe de la nature probabiliste de l'onde associée à l'évolution d'une particule quantique, car même si la
N. B. : le temps de demi-vie correspond à la Période radioactive. C'est la durée nécessaire pour que la moitié des noyaux radioactifs d'un isotope se désintègre pour se transformer en un élément stable.