Il y a environ 4,56 milliards d’années, la jeune Terre venait de naître d’un disque protoplanétaire en effondrement autour du Soleil. À cette époque, les collisions entre planétésimaux dégageaient une énergie colossale, transformant la surface terrestre en un océan de magma profond de plusieurs centaines de kilomètres. La température moyenne dépassait les 2000 K. Cet état liquide global permettait la différenciation gravitationnelle : les éléments lourds comme le fer et le nickel s’enfonçaient vers le noyau, tandis que les silicates plus légers formaient le manteau primitif.
N.B. :
Le kelvin (K) est l’unité de base de température thermodynamique du Système international (SI). Il correspond à la fraction \(1/273{,}16\) de la température thermodynamique du point triple de l’eau. Ainsi, 0 K représente le zéro absolu, température à laquelle toute agitation thermique cesse théoriquement. Pour convertir en degrés Celsius, on utilise la relation : \(T(°C) = T(K) - 273{,}15\).
Durant l’océan de magma, la température moyenne de surface atteignait 2000–2500 K, et au centre peut-être 7000–8000 K.
Aujourd’hui, la température du centre est estimée à 5000–6500 K. Cette baisse thermique ne modifie que faiblement la pression hydrostatique, parce que la pression dépend principalement de la masse et de la distribution de densité du globe, mais elle change profondément l’état physique des couches internes.
Le refroidissement s’est donc produit principalement dans les couches externes, tandis que le noyau interne et le noyau externe conservent un état partiellement liquide/solide. La persistance de chaleur résiduelle s’explique par plusieurs contributions physiques : chaleur résiduelle d’accrétion, dégagement d’énergie latente lors de la cristallisation du fer, et production de chaleur radiogénique due à la désintégration d’isotopes instables (par ex. U, K, Th).
Ces processus thermiques combinés alimentent la convection mantellique et maintiennent un flux de chaleur interne non négligeable vers la surface. En conséquence, même si la planète est sortie de son état de fusion globale, elle reste thermiquement active et continue d’évoluer sur des échelles de temps géologiques.
Le refroidissement progressif de la planète s’est amorcé lorsque les impacts majeurs ont cessé, notamment après la collision géante avec Théia, un corps de la taille de Mars, il y a environ 4,47 milliards d’années. Ce choc a engendré un nouveau réservoir thermique et la formation de la Lune. Lorsque la température de la surface est descendue sous le point de solidification des silicates (autour de 1600 K), des cristaux ont commencé à se former dans la mer de magma. Ces cristaux, principalement d’olivine et de pyroxène, ont constitué la première croûte solide instable.
Selon les travaux du géochimiste Victor Moritz Goldschmidt (1888-1947), la séparation des éléments entre le noyau métallique et le manteau silicaté a déterminé la composition chimique globale de la Terre actuelle. L’organisation stratifiée du globe, avec un noyau riche en Fe-Ni et un manteau dominé par des silicates de Mg et de Si, est le résultat direct de cette phase infernale.
L’intense dégazage du magma a libéré d’immenses quantités de CO₂, de vapeur d’eau et de soufre, formant une atmosphère épaisse et toxique. La pression atmosphérique dépassait plusieurs centaines de bars et la surface était soumise à un effet de serre extrême. Lorsque la température a finalement chuté sous environ 647 K (le point critique de l'eau), la vapeur d'eau a pu se séparer en phase liquide et en vapeur ; des pluies abondantes ont alors été possibles. Les pluies torrentielles qui ont duré des millions d’années, ont érodé les premiers basaltes et ont contribué à la formation de la protosphère océanique.
La dissipation de la chaleur interne s’est faite par rayonnement et par convection dans le manteau. Cependant, le rayonnement direct vers l’espace glacial était fortement limité. L’atmosphère primitive, très épaisse et chargée en vapeur d’eau, CO₂ et particules volcaniques, absorbait la majeure partie du rayonnement infrarouge émis par la surface en fusion. La Terre primitive se comportait alors comme un gigantesque four à effet de serre : la chaleur restait piégée dans les couches atmosphériques, ralentissant considérablement le refroidissement global du globe.
Époque (Ga) | Événement principal | Température estimée (K) | État géologique |
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4,56 | Accrétion et fusion globale | ≈ 2500 | Océan de magma total |
4,47 | Impact de Théia, formation de la Lune | ≈ 2200 | Refusion partielle du manteau |
4,40 | Première solidification de la croûte basaltique | ≈ 1600 | Formation d’une croûte superficielle solide |
4,30 | Condensation de la vapeur d’eau | ≈ 800 | Pluies torrentielles et érosion primaire |
4,10 | Début de la stabilisation thermique du manteau | ≈ 600 | Refroidissement progressif, convection encore active |
4,00 | Stabilisation du manteau et premières roches | ≈ 500 | Début de la tectonique primitive |
3,90 | Refroidissement suffisant pour océans stables | ≈ 300–400 | Océans liquides permanents et croûte stabilisée |
3,80 | Formation des premiers sédiments | ≈ 300 | Dépôts sédimentaires dans les océans, début du cycle géochimique |
3,70 | Apparition possible de la vie primitive | ≈ 300 | Conditions chimiques favorables dans les océans stables |
3,50 | Stabilisation tectonique globale | ≈ 290–300 | Formation des premières plateformes continentales, cycle hydrologique actif |
3,50 | Apparition avérée des premières formes de vie | ≈ 300 | Océans stables, premières formes de vie microbienne (stromatolites) |
Source : Nature geoscience, ScienceAdvances.
L’enfer minéral du début de la Terre a façonné les propriétés fondamentales de notre planète : sa densité, sa composition chimique et sa dynamique interne. Ce passage par le feu a permis la genèse du manteau, la formation du noyau magnétique et la libération des gaz précurseurs de l’atmosphère. C’est paradoxalement cet épisode infernal qui a rendu possible l’émergence ultérieure de conditions stables et, plus tard, de la vie.