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Mise à jour 23 novembre 2014

Coupure galiléenne ou début de la physique moderne

Coupure Galiléenne

Les historiens des sciences s'accordent à dire que la Coupure Galiléenne marque le début de la physique moderne. Depuis la Grèce antique, environ 4 siècles avant JC jusqu'à la fin du moyen âge (XVe siècle), la vision du monde est stable, c'est celle du grand philosophe et scientifique grec Aristote (-384 -322 av JC). Son œuvre, dans le domaine métaphysique et physique est si considérable, qu'elle va influencer de nombreuses civilisations. En effet, la pensée d'Aristote, l'aristotélisme, va se diffuser à travers les écrits de nombreux penseurs et diverses écoles.
Les ouvrages d'Aristote décrivent un monde "intuitif", qui est divisé en deux parties, le monde sublunaire (sous la Lune, dont la Terre) et le monde supralunaire (au delà de la Lune, le reste de l'Univers).
Le monde sublunaire est changeant, imparfait, corruptible, c'est le lieu du feu, de l'air, de l'eau et de la terre. Le monde supralunaire est le lieu de l'éther, immuable, parfait et incorruptible.
Le monde est donc géocentrique et la Terre est immobile dans l'espace, tout le monde s'en accommode car cela correspond aux observations de l'époque. Cette vision du monde sera propagée par tous les commentateurs aristotéliciens (à l'époque d'Aristote), les néoplatoniciens (d'environ 300 à 540), les arabes au milieu du moyen âge (d'environ 980 à 1200), les juifs (d'environ 1130 à 1200), les byzantins (d'environ 1040 à 1140) et les commentateurs du Moyen Âge (d'environ 1180 à 1280). Bien sûr quelques mathématiciens, physiciens, astronomes, philosophes et vulgarisateurs des sciences de la fin moyen âge étaient sceptiques concernant ce monde géocentrique, en particulier Nicole Oresme (1320-1382) et Jean Buridan (1292-1363). Ce monde avait atteint ses limites, mais personne ne le remettra en question car il convenait parfaitement aux "Saintes Écritures" du moyen âge.
Avec Nicolas Copernic (1473-1543), le monde va basculer. Copernic, chanoine, médecin et astronome polonais va développer une théorie qui place le Soleil au centre de l'Univers (héliocentrisme) autour duquel tournent les planètes.

La Terre n'était plus centrale et immobile mais une planète comme les autres.
Son livre de 1543, intitulé "De Revolutionibus Orbium Coelestium" sera diffusé "largement". Ce changement profond de paradigme à la fois philosophique et scientifique, imposé par Copernic, est appelé "la révolution copernicienne", mais c'est Galilée (1564-1642) qui va faire basculer la science dans le monde moderne.
Quand on pense à Galilée, on l'imagine pointant sa lunette vers les surfaces inégales de la Lune, les étoiles de la Voie Lactée, les lunes de Jupiter, les phases de Vénus ou vers Saturne. Mais ce n'est pas l'utilisation de la lunette en astronomie, qui marque le début de la physique moderne.
La Coupure Galiléenne est marquée avec l’énoncé de la loi de la chute des corps par Galilée au début du 17e siècle, aux alentours de 1604.
Elle dit ceci : la vitesse acquise est proportionnelle à la durée de la chute et est indépendante de la masse et de la nature du corps. C'est la première fois qu'une loi physique s'exprimait avec le paramètre "temps" selon le physicien français Etienne Klein, c'est cela la coupure Galiléenne. Le temps devient une variable mathématique et va jouer un rôle décisif dans la physique moderne.
La loi de la chute des corps de Galilée est révolutionnaire car elle va à l'encontre de nos sens. En effet la théorie intuitive d'Aristote nous parait plus juste car elle explique que les corps lourds tombent plus rapidement que les corps légers. Mais elle est fausse.
Pour mieux faire connaitre ses découvertes, Galilée écrit en 1632 "DIALOGO", un dialogue sur les deux grands systèmes du monde, celui de Ptolémée (90-168) et celui de Copernic (1473-1543). Il écrit cet ouvrage en italien pour mieux se faire comprendre, et non en latin qui était la langue des publications de l'époque.
Pour imaginer la chute des corps dans le vide, Galilée est passé par une expérience de pensée, il va utiliser pour cela trois personnages. Pour ce livre, le Pape Urbain VIII condamnera Galilée le 22 juin 1633 (voir le chapitre suivant).

Le monde sublunaire d'Aristote

Image : Les ouvrages d'Aristote décrivent un monde "intuitif", qui est divisé en deux parties, le monde sublunaire (sous la Lune, dont la Terre) et le monde supralunaire (au delà de la Lune, le reste de l'Univers). Le monde sublunaire est changeant, imparfait, corruptible, c'est le lieu de l'eau, de l'air, de la terre et du feu. Le monde supralunaire est le lieu de l'éther, immuable, parfait et incorruptible. Aristote est un logicien, scientifique et philosophe grec, né en 384 av. J.-C. et mort en 322 av. J.-C. à Chalcis. Élève et Disciple de Platon, Aristote est l'un des penseurs les plus influents du monde occidental. Ses écrits monumentaux englobent une grande partie du savoir philosophique et scientifique de l'époque. La distinction entre philosophie et science n'existe pas à l'époque d'Aristote, elle date de la fin du XVIIIe siècle. Crédit image : astronoo.com

Dialogue sur les deux grands systèmes du monde

Extraits du livre de Galilée mettant en scène pendant 4 jours, trois personnages, Simplicio défenseur de la théorie d'Aristote, Sagredo, l'homme honnête ouvert et cultivé et Salviati qui représente les idées que Galilée veut diffuser.
Simplicio : Aristote a démontré que, dans un même milieu, des objets de masses différentes tombent à des vitesses différentes et que ces vitesses sont proportionnelles aux masses des objets. [...] Vous n'avez tout de même pas l'intention de nous prouver qu'une boule de liège tombe à la même vitesse qu'une boule de plomb ? [...]
Salviati : Je doute fort que Aristote se base sur une expérience pour affirmer cela. [...]
Simplicio : Ses propres paroles montrent pourtant qu'il a observé le phénomène, puisqu'il dit « Nous voyons que le plus lourd... ». Ce « nous voyons » fait allusion à une expérience.
Sagredo : Mais moi qui en fait l'essai, signor Simplicio, je vous assure qu'un boulet de canon de cent ou deux cents livres, ou plus encore, n'aura pas pris l'avance d'une palme, à son arrivée au sol, sur une balle de mousquet d'une demi-livre, même si la hauteur de chute est de cent coudées ! [...]
Simplicio : J'ai de la peine à croire qu'une larme de plomb puisse tomber aussi vite qu'un boulet de canon.
Salviati
: [...] Je ne voudrais pas, signor Simplicio, qu'à l'exemple de tant d'autres, vous vous concentriez sur telle chose que j'ai dite et qui s'écarte de la vérité de l'épaisseur d'un cheveu, pour éviter de voir l'erreur aussi grosse qu'une amarre, que Aristote a commise. Aristote écrit : « Une boule de fer de cent livres tombant d'une hauteur de cent coudées, arrive au sol avant qu'une boule d'une livre soit descendue d'une seule coudée ». Je dis, moi, qu'elles arrivent en même temps. Vous n'avez qu'à faire l'expérience, et vous constaterez qu'au moment où la grosse boule touche terre, l'autre en est éloignée de deux doigts seulement. Et vous voudriez maintenant, derrière ces deux doigts, cacher les quatre-vingt dix neuf coudées d'Aristote, et, relevant mon erreur minime, passer sous silence son énorme erreur.

Simplicio : Quoi qu'il en soit, je n'arrive pas à croire que dans le vide, si le mouvement y était possible, un flocon de laine tomberait aussi vite qu'un morceau de plomb.
Salviati : Doucement, signor Simplicio [...], écoutez plutôt ce raisonnement qui vous éclairera. Nous recherchons ce qui arriverait à des objets de masses très différentes dans un milieu de résistance nulle. [...] Seul un espace absolument vide d'air nous permettrait de percevoir une réponse. Comme un tel espace n'existe pas, nous observerons ce qui se produit dans des milieux peu résistants, par comparaison avec des milieux plus résistants ; et si nous trouvons que des objets différents ont des vitesses de moins en moins différentes lorsque les milieux sont de plus en plus faciles à traverser, [...] alors nous pourrons admettre avec une grande probabilité, me semble-t-il, que dans le vide les vitesses seraient toutes égales. [...] L'expérience qui consiste à prendre deux objets de masses très différentes, et à les lâcher d'une certaine hauteur pour observer si leurs vitesses sont égales, comporte quelques difficultés. En effet, si la hauteur est importante, le milieu gênera beaucoup plus l'objet léger, et sur une longue distance l'objet léger demeurera alors en arrière. [...] Cependant, si l'on prend deux objets de même forme et constitués du même matériau, et que l'on diminue la masse de l'un en même temps que sa surface, il ne se produit aucune réduction de vitesse.[...] J'en arrive donc à la conclusion que si l'on éliminait complètement la résistance du milieu, tous les objets tomberaient à vitesse égale.

N. B. : Galilée imagina des expériences de chutes ralenties de façon à ce qu'elles soient facilement mesurables à l'œil nu. Pour cela il ralentit la chute des corps en les plaçant sur un plan incliné lisse. Ainsi l'effet de la force de gravité est réduit et les boules de bronze parfaitement polies et sphériques roulent, lentement, entrainées par leur propre poids. Après de nombreux essais, Galilée est en mesure de formuler les lois de la chute des corps.

Dialogue sur les deux grands systèmes du monde

Image : Pour mieux faire connaitre ses découvertes Galilée, protégé par le Pape Urbain VIII, écrit en 1632 "DIALOGO", un dialogue sur les deux grands systèmes du monde, celui de Ptolémée et celui de Copernic. Il écrit cet ouvrage en italien pour mieux se faire comprendre, et non en latin qui était la langue des publications scientifiques de l'époque. En italien : Doue ne i congressi di quattro giornate si discorre sopra i due massimi sistemi del mundo tolemaico, e copernicano;
Galilée termine son ouvrage "DIALOGO" en 1629 mais ne le publie à Florence qu'en 1632. Galilée met en scène pendant 4 jours, trois personnages, Simplicio défenseur de la théorie d'Aristote, Sagredo, l'homme honnête ouvert et cultivé et Salviati qui représente les idées de Galilée. Simplicios est le nom d'un philosophe du VIe siècle et commentateur d'Aristote, Salviati et Sagredo sont les noms de deux amis de Galilée. Le Pape Urbain VIII, piégé par Galilée, tentera d'interdire ce livre qui est un plaidoyer en faveur du système Copernicien et donc contre les Saintes écritures, mais Galilée l'a publié à Florence et non à Rome comme souhaité par le pape. Le Pape Urbain VIII, pour des raisons géopolitiques, doit montrer sa puissance et va condamner Galilée à une légère sanction le 22 juin 1633, Galilée doit abjurer ses erreurs, son ouvrage est prohibé et il sera assigné à résidence jusqu'à la fin de sa vie, le 8 janvier 1642.


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