Les Mayas ont développé l'un des systèmes astronomiques les plus sophistiqués de l'Antiquité, sans l'aide de télescopes ou d'instruments optiques. Leur observation minutieuse du ciel pendant des siècles leur a permis de créer des calendriers d'une précision remarquable et de prédire les événements célestes avec une exactitude impressionnante.
Contrairement à l'astronomie occidentale qui séparait progressivement science et religion, l'astronomie maya était indissociable de leur cosmovision. Le ciel n'était pas un simple objet d'étude, mais un livre sacré où se lisaient les volontés divines et les cycles de la vie. Chaque astre avait une signification religieuse, agricole et politique. Cette approche holistique leur a permis de calculer les cycles de Vénus avec une précision de 0,01 jour et de prédire les éclipses plusieurs décennies à l'avance. Ces prédictions étaient fondées sur la répétition cyclique des configurations célestes, et non sur la modélisation géométrique exacte des trajectoires comme en astronomie contemporaine.
N.B. :
Les Mayas forment une grande civilisation mésoaméricaine entre 2000 BCE et le XVIᵉ siècle. Organisés en cités-États indépendantes, ils se distinguent par une écriture hiéroglyphique avancée, une astronomie de haute précision, un calendrier complexe ainsi qu’une architecture monumentale fondée sur des principes géométriques et astronomiques.
Le système calendaire maya reposait sur plusieurs cycles imbriqués, dont les deux principaux étaient le Tzolk'in et le Haab. Le Tzolk'in, calendrier rituel de 260 jours, combinait 13 nombres avec 20 signes de jours. Le Haab, calendrier solaire de 365 jours, comprenait 18 mois de 20 jours plus 5 jours néfastes appelés Wayeb.
L'entrelacement du Tzolk'in et du Haab engendrait un cycle de 52 ans avant que les mêmes combinaisons de dates ne réapparaissent. Les Mayas accordaient à ce cycle arithmétique une valeur rituelle considérable, y voyant des périodes de transformation cosmique nécessitant de grandes célébrations.
Pour les longues périodes historiques, les Mayas utilisaient le Compte Long, un système de numération en base 20 (avec une exception pour le troisième niveau qui utilisait 18) qui permettait de compter les jours depuis une date mythique de création fixée au 11 août 3114 avant notre ère selon la corrélation la plus acceptée. Ce système utilisait cinq unités :
| Période | Contribution scientifique | Précision ou caractéristique | Source ou site |
|---|---|---|---|
| Préclassique tardif (300 av. J.-C. - 250 ap. J.-C.) | Développement du calendrier Tzolk'in et Haab | Cycles de 260 et 365 jours | Inscriptions à El Mirador, Kaminaljuyú |
| Vers 36 av. J.-C. | Plus ancienne date en Compte Long connue | Système de datation sur plusieurs millénaires | Stèle 2 de Chiapa de Corzo |
| Vers 350 ap. J.-C. | Invention du zéro mathématique | Représenté par un glyphe en forme de coquillage | Système de numération maya |
| Classique (250-900 ap. J.-C.) | Calcul de l'année tropique | 365,2420 jours (erreur de 0,0002 jour) | Observations sur plusieurs sites |
| Classique (250-900 ap. J.-C.) | Mesure du cycle synodique de Vénus | 583,92 jours (erreur de 0,01 jour) | Codex de Dresde, inscriptions |
| Classique (250-900 ap. J.-C.) | Calcul du mois synodique lunaire | 29,53 jours (erreur de 0,0006 jour) | Codex de Dresde |
| Vers 682 ap. J.-C. | Observatoire astronomique du Caracol | Alignements sur Vénus et événements solaires | Chichen Itza |
| Classique (250-900 ap. J.-C.) | Tables de prédiction des éclipses | Utilisation du cycle de Saros (6 585,32 jours) | Codex de Dresde |
| Vers 750 ap. J.-C. | Observatoire du Groupe E | Marqueurs de solstices et équinoxes | Uaxactun |
| Postclassique (900-1500 ap. J.-C.) | Pyramide de Kukulcan | Phénomène du serpent lors des équinoxes | Chichen Itza |
| XIIe-XIIIe siècle | Rédaction du Codex de Dresde | Tables de Vénus sur 104 ans, éclipses sur 33 ans | Yucatán (probablement Chichen Itza) |
Source : Foundation for the Advancement of Mesoamerican Studies et Mesoweb Resources.
Les astronomes mayas avaient calculé la durée de l'année solaire avec une précision remarquable. Leurs observations, consignées dans divers codex, indiquent qu'ils estimaient l'année tropique à environ 365,2420 jours, une valeur extrêmement proche de la mesure moderne de 365,2422 jours. Cette précision est d'autant plus impressionnante qu'elle a été obtenue sans instruments de mesure sophistiqués, uniquement par l'observation patiente et l'enregistrement méticuleux des positions solaires lors des solstices et des équinoxes.
De nombreux sites mayas comportaient des structures architecturales spécialement conçues pour marquer ces événements astronomiques. À Chichen Itza, la pyramide de Kukulcan crée lors des équinoxes un jeu d'ombres et de lumière qui dessine un serpent descendant les escaliers, démontrant l'intégration parfaite entre architecture, astronomie et symbolisme religieux. À Uaxactun, le complexe du Groupe E servait d'observatoire solaire permettant de déterminer avec précision les dates des solstices et des équinoxes.
N.B. :
Les codex de la civilisation maya constituent des manuscrits pliés en accordéon, réalisés sur du papier d’amate, où sont compilés des éphémérides lunaires, des cycles synodiques de Vénus et des tables permettant de prédire éclipses et conjonctions. Malgré la destruction massive opérée au XVIe siècle, quelques codex ont été conservés.
Les Mayas avaient identifié Vénus comme une planète et non une étoile, et ils avaient déterminé son cycle synodique avec une précision stupéfiante : 583,92 jours, alors que la valeur moderne est de 583,93 jours.
Le Codex de Dresde, l'un des rares manuscrits mayas à avoir survécu à la destruction coloniale, contient des tables astronomiques de Vénus s'étendant sur 104 ans. Basées sur le cycle synodique (même configuration Terre-Vénus-Soleil) de 583,92 jours, ces tables permettaient de prédire avec précision les apparitions de Vénus comme étoile du matin et étoile du soir, moments considérés comme particulièrement propices ou néfastes pour diverses activités, notamment la guerre.
Les Mayas avaient observé que 5 cycles synodiques de Vénus (2 920 jours) correspondaient presque exactement à 8 années Haab (2 920 jours) et à 146 cycles Tzolk'in (2 920 jours). Cette triple correspondance démontrait, dans leur vision cosmologique, l'harmonie profonde de l'univers et justifiait l'importance accordée à Vénus dans leurs rituels et leurs décisions politiques.
Vénus était associée au dieu Kukulcan (le serpent à plumes) et sa première apparition après la conjonction inférieure (lorsqu'elle passe entre la Terre et le Soleil) était considérée comme un moment de danger et de renouveau.
N.B. :
Le cycle synodique de Vénus de 583,92 jours correspond au temps nécessaire pour que la planète revienne à la même configuration par rapport à la Terre et au Soleil. Ce cycle se divise en quatre phases : Vénus apparaît comme étoile du soir pendant environ 263 jours (visible après le coucher du Soleil), puis disparaît durant 50 jours lors de la conjonction supérieure (Vénus derrière le Soleil), réapparaît comme étoile du matin pendant 263 jours (visible avant le lever du Soleil), et disparaît à nouveau 8 jours lors de la conjonction inférieure (Vénus entre la Terre et le Soleil). Les Mayas accordaient une importance particulière à la première apparition héliaque de Vénus comme étoile du matin, moment considéré comme particulièrement dangereux et défavorable aux entreprises guerrières.
Les Mayas suivaient également les cycles lunaires avec une grande attention. Ils avaient calculé la durée du mois synodique lunaire à environ 29,53 jours, une valeur très proche de la mesure moderne de 29,53059 jours. Le Codex de Dresde contient des tables d'éclipses couvrant 33 ans, permettant de prédire les éclipses solaires et lunaires avec une précision remarquable.
Pour prédire les éclipses, les astronomes mayas utilisaient le cycle de Saros (découvert indépendamment par plusieurs civilisations), d'une durée de 6 585,32 jours (environ 18 ans et 11 jours), période après laquelle les configurations Soleil-Terre-Lune se répètent de manière similaire. Les éclipses étaient considérées comme des événements particulièrement inquiétants. Une éclipse solaire était vue comme un jaguar céleste dévorant le Soleil, tandis qu'une éclipse lunaire était causée par un serpent attaquant la Lune.
Plusieurs sites mayas comportaient des structures dédiées à l'observation astronomique. Le Caracol de Chichen Itza, dont le nom espagnol signifie "escargot" en raison de son escalier en spirale intérieur, est l'un des observatoires les mieux préservés. Ses fenêtres et ouvertures sont alignées sur des positions astronomiques clés, notamment le coucher de Vénus à son élongation maximale.
À Palenque, le Temple des Inscriptions et d'autres structures présentent des alignements architecturaux qui marquent les solstices d'hiver et d'été. À Copán, la Stèle 12 et d'autres monuments étaient positionnés pour observer le passage du Soleil au zénith, un événement particulièrement significatif pour les populations situées entre les tropiques du Cancer et du Capricorne.
Ces observatoires n'étaient pas de simples outils scientifiques mais des lieux sacrés où les prêtres-astronomes accomplissaient leurs fonctions religieuses et politiques. L'accès à ces connaissances astronomiques était réservé à une élite, renforçant ainsi leur pouvoir et leur autorité sur la population.