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Paradoxe de la nuit noire

Le paradoxe d'Olbers existe-t-il ?

   Mise à jour 2 février 2022

"La nuit n'est nuit que pour nous. Ce sont nos yeux qui sont obscurs." Cette citation de René Barjavel (1911-1985) dans le roman de science-fiction "La Nuit des temps" pourrait être la réponse à la question : Pourquoi la nuit est noire ?
Chacun de nous pourrait simplement admettre que la cause de la nuit noire se résume à l'absence du Soleil au-dessus de l'horizon, mais ce n'est pas une bonne réponse.
En effet, la nuit est noire et avant le 20è siècle l'univers est supposé statique, infini et peuplé d'étoiles. Pendant plusieurs siècles ces deux idées resteront paradoxales !
De toute évidence, depuis toujours la nuit est noire. Mais si l'univers était infini dans l’espace et dans le temps, quel que soit la direction vers laquelle on regarderait, notre ligne de visée devrait croiser une étoile même très lointaine. Le ciel devrait donc nous apparaitre partout aussi lumineux que le Soleil. Or on constate que la nuit est essentiellement noire !
Cette assertion appelée le paradoxe d'Olbers a été étudiée en 1826 par Heinrich Olbers (1758-1840). Cependant la question était posée depuis 1576 par Thomas Digges (1546-1595) dans une publication où il répartissez les étoiles au hasard partout dans la sphère céleste. Cette vision du ciel l'amena a se poser la question "pourquoi cette infinité d’étoiles ne rendaient-elles pas lumineux le ciel nocturne ?". Sa réponse fut que la plupart d'entre elles étaient trop loin pour être visibles, mais ce n'est pas une bonne réponse.
En 1610, dans sa lettre de soutien à Gallilée "Dissertatio cum Nuncio Sidereo" (Conversation avec le messager céleste), Johannes Kepler (1571-1630) semble écarter la notion d'un Univers infini.
Bien que de nombreux astronomes se sont posés cette question, la résolution de ce paradoxe resta sans solution pendant les trois siècles à venir.
Pourquoi une infinité d'étoiles devrait faire briller le ciel nocturne ?
Edmond Halley (1656-1742) et Jean-Philippe Loys de Chéseaux (1718-1751) vont apporter une réponse mathématique à cette question. De Chéseaux en 1744, inspiré par un travail d'Edmund Halley, imagine le ciel comme une série de couches sphériques concentriques d'épaisseur constante centrée sur l’observateur. Ainsi, le nombre d'étoiles dans chaque couche est proportionnel à sa surface, donc au carré de son rayon. En d'autres termes, à la distance 2d il y a 4 fois plus d'étoiles, à la distance 4d il y a 16 fois plus d'étoiles, etc.
Or, l'intensité lumineuse d'une étoile est inversement proportionnelle au carré de sa distance. En d'autres termes, si à une distance d, une étoile a une certaine luminosité, à une distance 2d, elle est 4 fois moins lumineuse. Le flux d'une étoile décroit comme l'inverse du carré de la distance ƒ(e)=L/4πr2 (L=luminosité).
Ainsi, si l'univers est infini on a une infinité de couches qui ont la même luminosité et l'observateur reçoit autant d'énergie lumineuse de chaque couche. La luminosité totale devrait être infinie.
Nous savons aujourd'hui que cette assertion est incorrecte car les étoiles ont une durée de vie finie.

 

Pourquoi ne pas considérer tout simplement que le milieu cosmique n'est pas partout transparent ?
Ainsi, la lumière provenant des étoiles pourrait être bloquée par la poussière et le gaz interstellaires. Cette explication n'est pas correcte non plus car le milieu s'échaufferait petit à petit en absorbant la lumière et deviendrait aussi lumineux que la surface d'une étoile. Cela ne résout pas le paradoxe d'Olbers.
Pourquoi ne pas considérer que la lumière des étoiles lointaines n'a pas eu le temps de nous parvenir ?
En effet en 1848 Edgar Allan Poe (1809-1849) présent intuitivement cette hypothèse dans son essai sur l'univers matériel et spirituel intitulé "Eureka".
Effectivement, la vitesse de la lumière étant finie (on le sait à cette époque) il lui faut un certain temps pour nous parvenir. Mais cette hypothèse n'est pas correcte dans un Univers infini et éternel. Si l'Univers est éternel quelque soit la durée que met la lumière pour nous parvenir, elle devrait déjà nous éblouir.
En 1901, William Thomson connu sous le nom de Lord Kelvin (1824-1907) démontre que dans un univers transparent, uniforme et statique, rempli uniformément d'étoiles, l'âge fini des étoiles interdisait la visibilité des étoiles lointaines.
Pour résoudre ce simple paradoxe de la nuit noire il a fallu revoir entièrement notre conception de l'Univers.
Derrière l'histoire du paradoxe d'Olbers se cachait une réalité cosmique troublante d'où émergeront plusieurs concepts à la fin du 20e siècle.
- L'Univers n'a pas toujours existé, il a une histoire et il a un âge fini de 13.77 milliards d'années.
- La vitesse de la lumière (300 000 km/s) est finie et donc l'Univers a une taille finie. En 13.77 milliards d'années les photons ont parcouru 13.77 milliards d'années-lumière.
- Les étoiles ont un âge fini et donc une durée de vie. Leur source de lumière est trop éphémère pour qu'elles puissent saturer l'espace de leur rayonnement.
- L'Univers est en expansion accélérée. Le ciel est de plus en plus noir car la lumière en provenance des galaxies lointaines est de plus en plus décalée vers le rouge (effet Doppler). Les galaxies les plus lointaines perdant de plus en plus leur éclat sont extrêmement difficiles à observer.
Il faut rassembler toutes ces hypothèses pour résoudre le paradoxe de la nuit noire.

Conclusion
"La nuit n'est nuit que pour nous. Ce sont nos yeux qui sont obscurs."
En observation infrarouge, les galaxies lointaines révèlent de gigantesques lueurs qui embrasent les poussières interstellaires. Pour chaque point du ciel, notre visée croise le flux infrarouge d'une galaxie.
Mais la clarté la plus originale se situe dans les micro-ondes. Ce rayonnement fossile refroidi est observé dans toutes les directions du ciel.

 Paradoxe de la nuit noire

Image : Le ciel en lumière visible. Les étoiles ont un âge fini et donc une durée de vie. Leur source de lumière est trop éphémère pour qu'elles puissent saturer l'espace de leur rayonnement. Crédit : image Stellarium

Hubble Ultra Deep Field

Image : Le ciel en observation infrarouge
Cette vue infrarouge révèle des galaxies très lointaines qui existaient il y a très longtemps. Prise par la caméra proche infrarouge et le spectromètre multi-objets à bord du télescope spatial Hubble. Crédit : NASA/ESA

fond diffus de l'univers WMAP

Image : Cette carte complète du CMB (Cosmic Microwave Background) montre les fluctuations de températures de l'Univers primordial lorsque qu'il devint transparent ~ 380 000 ans après le Big Bang. La différence maximale de température entre les zones bleues froides et les zones rouges chaudes est de l'ordre de 0,0001 °C. Crédit : Photomontage de clichés pris par Planck (satellite ESA) pendant 9 ans.


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