Le 18 février 2021, le rover Perseverance de la mission Mars 2020 s’est posé dans le cratère Jezero, un ancien bassin d’impact de 45 km de diamètre situé sur l’hémisphère nord de Mars. Quelques minutes après son atterrissage, il a transmis ses premières images en noir et blanc du sol martien, capturées par les HazCam. Ces clichés, bien que rudimentaires, marquaient un tournant : c’était la première fois qu’un robot d’exploration envoyait une vue aussi nette du terrain d’un delta fossile martien.
Les images haute résolution prises ultérieurement par les caméras NavCam et Mastcam-Z ont révélé une surface rocheuse complexe. On y observe une alternance de grains fins et de cailloux anguleux, dont la taille varie de quelques millimètres à plusieurs centimètres. Cette hétérogénéité traduit des processus géologiques variés : érosion éolienne, dépôts sédimentaires et anciens écoulements d’eau.
L’analyse spectroscopique des roches a montré des signatures d’olivine et de pyroxène, deux minéraux typiques des basaltes volcaniques. Ces données suggèrent que le sol martien de Jezero a subi une longue histoire volcanique, suivie d’une altération chimique par des fluides aqueux. Les sédiments observés pourraient donc avoir piégé des traces d’anciennes molécules organiques, objectif principal de la mission.
Parmi les instruments embarqués, la caméra SHERLOC et le spectromètre PIXL jouent un rôle clé dans l’analyse minéralogique et chimique. En combinant des techniques de fluorescence et de diffraction des rayons X, ces dispositifs permettent d’identifier les phases minérales à l’échelle micrométrique.
Les premiers résultats ont révélé la présence d’oxydes de fer, responsables de la couleur rouge caractéristique de la planète. La porosité du sol, mesurée à partir des ombres portées et de la diffusion de la lumière, indique une densité moyenne d’environ \(\rho \approx 2,7\ g/cm^3\), comparable à celle des basaltes terrestres.
Ces observations soutiennent l’hypothèse que le cratère Jezero abritait autrefois un lac. Les couches de sédiments visibles dans les falaises du delta suggèrent des dépôts successifs, probablement formés par des écoulements intermittents. Cela conforte les modèles de John Grotzinger (1960-) et de son équipe, selon lesquels Mars a connu une phase humide durant le Noachien, il y a environ 3,8 milliards d’années.
Les variations d’albédo observées dans les clichés panoramiques indiquent également des différences de granulométrie et d’oxydation, traduisant une activité chimique ancienne entre l’eau et les roches. Ces indices alimentent la recherche de biosignatures, c’est-à-dire de structures ou molécules pouvant indiquer une vie passée.
Le retour sur Terre des échantillons prélevés par Perseverance représente l’une des entreprises les plus ambitieuses de l’histoire de l’exploration spatiale. Baptisé MSR, ce programme international est conduit conjointement par la NASA et l’ESA. Il vise à rapporter, pour la première fois, des fragments authentiques du sol et des roches martiennes afin de les analyser avec les technologies terrestres les plus précises.
Le plan du Mars Sample Return repose sur une architecture complexe en trois segments principaux :
En orbite, une sonde de capture nommée ERO, développée par l’ESA, interceptera la capsule contenant les échantillons avant de la ramener vers la Terre dans une trajectoire contrôlée. L’ensemble du processus exige une précision extrême : les fenêtres de lancement, la synchronisation orbitale et la mécanique du transfert interplanétaire doivent être calculées au millimètre près.
Le retour de matière extraterrestre pose des questions de protection planétaire. Les échantillons seront enfermés dans une capsule doublement hermétique afin d’éviter toute contamination, tant martienne que terrestre. Dès leur arrivée sur Terre, prévue autour de 2033, ils seront transférés dans un laboratoire ultra-sécurisé comparable à ceux utilisés pour les virus de niveau biologique 4.
Chaque échantillon sera analysé en plusieurs étapes : datation radiométrique, étude isotopique (\(^{87}\text{Sr}/^{86}\text{Sr}\), \(^{18}\text{O}/^{16}\text{O}\)), spectrométrie de masse et microscopie électronique. Ces mesures permettront d’évaluer si certaines roches ont été altérées par l’eau, ou si des structures minérales présentent des morphologies biologiquement plausibles.
Des institutions du monde entier, telles que le JPL, le CNES et l’ESA, participent à la conception du système de retour. Les ingénieurs s’appuient sur l’expérience acquise lors de missions antérieures comme OSIRIS-REx et Hayabusa2, qui ont rapporté des échantillons d’astéroïdes. Cette coopération internationale illustre la nouvelle ère de l’exploration robotique : la convergence entre science planétaire, ingénierie orbitale et astrobiologie.
Les carottes martiennes de Perseverance constituent des archives géologiques précieuses. En étudiant leurs structures microscopiques et leur composition isotopique, les chercheurs espèrent reconstituer l’évolution du climat martien et déterminer si la planète a été habitable. Les traces éventuelles de matière organique ou de biosignatures fossiles pourraient révolutionner notre compréhension de la vie dans le Système solaire.
N.B. :
Le programme Mars Sample Return est conçu pour minimiser le risque de contamination croisée : le Mars Ascent Vehicle sera scellé sur Mars avant son lancement, et la capsule de retour ne sera jamais ouverte avant d’atteindre un laboratoire dédié sous confinement absolu.
| Événement | Année prévue | Acteurs principaux | Commentaire |
|---|---|---|---|
| Lancement du Sample Retrieval Lander | 2028 | NASA | Transport du rover de collecte et de la fusée MAV |
| Collecte et transfert des tubes d’échantillons | 2029 | Sample Fetch Rover | Récupération des échantillons déposés par Perseverance |
| Lancement en orbite martienne | 2030 | Mars Ascent Vehicle | Décollage depuis la surface martienne et mise en orbite |
| Capture orbitale et retour vers la Terre | 2031 | Earth Return Orbiter (ESA) | Transport interplanétaire vers la Terre |
| Entrée dans l’atmosphère terrestre et récupération | 2033 | NASA / ESA | Atterrissage sécurisé dans une zone de confinement dédiée |
Source : NASA Mars Sample Return et ESA Exploration Portal.