De tout temps l'homme a eu besoin de la vision pour mesurer les
La longueur d'onde de la lumière est intimement liée au concept de couleur mais il y a des couleurs que l'on ne verra jamais, celles situées au-delà du violet et en deçà du rouge. Elles ne seront donc jamais interprétées par notre cerveau.
Le paradoxe avec un trou noir est qu'il n'a pas de couleur par définition car la lumière, la matière et l'énergie sont prisonnières du trou noir.
Comment les physiciens du projet EHT (Télescope de l'Horizon des Évènements) ont pu transformer les informations d'un trou noir supermassif invisible en lumière visible pour l'œil humain ?
Un trou noir retient toutes informations. C'est un objet mystérieux dont la surface n'est ni solide ni liquide ni gazeuse, c'est une simple frontière immatérielle baptisée « horizon des évènements ». Il faut donc inventer une autre façon de « voir » ou plutôt une façon de « voir » le rien.
Si le trou noir est invisible, son environnement, lui, ne l'est pas et c'est grâce à lui que l'on va pouvoir déterminer l'horizon des évènements et ainsi voir l'« ombre » du trou noir.
Selon la théorie du trou noir, la matière proche de l'horizon des évènements est fortement chauffée par accrétion avant d'être absorbée par le monstre puis de disparaitre à jamais dans son puits gravitationnel.
Mais avant de disparaitre à jamais, la poussière et le gaz environnant ainsi que les résidus d'étoiles qui ont jadis été brisées par les forces de marée, émettent un rayonnement caractéristique dans le domaine des ondes millimétriques (une lumière non visible par l'œil).
Ce rayonnement pourrait nous dévoiler le pourtour du trou noir. La lumière millimétrique tournant autour du trou noir va donc nous fournir par contraste, de nombreuses informations sur le trou noir (sa force de gravitation, la façon dont il déforme l'espace temps, les effets de lentilles gravitationnelles, etc.).
En résumé, un trou noir bien qu'invisible, « allume » à sa façon la matière qu'il attire.
L'image représente un trou noir éclairé par la matière qu'il a lui-même fait chauffer.
En utilisant la technique de l'
Les cibles concernées étaient les deux trous noirs les plus "visibles" depuis la Terre.
La première cible fut Sagittarius A* (Sgr A), le trou noir situé au centre de notre Voie Lactée, à 26 000 années-lumière de nous, dont la masse est égale à 4,1 millions de fois celle du Soleil. L'autre cible était le trou noir supermassif (1 500 fois Sagittarius A* ou 6 milliards de masses solaires), situé à 50 millions d'années-lumière au cœur de la galaxie elliptique géante M87.
Les équipes de l'EHT n'avaient qu'une fenêtre d'environ deux semaines chaque année pour faire une tentative d'observations groupées.
Pour construire l'image à haute résolution, les physiciens ont dû combiner ultérieurement les signaux captés par les différentes antennes du réseau avec leurs propres horloges atomiques. Les temps d'arrivée des signaux sont précis au dixième de milliardième de seconde près. Ensuite ils ont comparé puis calculé leur point d'origine pour reconstituer une image globale gigantesque. Une seule nuit d'observation collectait 2 petaoctets de données (2 x 1015). Il est possible que dans cette montagne de données se cachent d'autres informations qui nous permettraient de mieux comprendre la physique très particulière régnant dans l'environnement proche des trous noirs. Notamment les gigantesques jets de particules et de rayonnement que certains d'entre eux projettent dans l'espace à des vitesses proches de celle de la lumière.
Les disques durs de données stockés en Antarctique ont ensuite dû attendre la fin du long hiver glacial pour être transportés à l'observatoire Haystack du MIT et à l'Institut Max Planck à Bonn.
Cette première image d'un trou noir que vous voyez sur votre écran n'est composée que de 33 ko de données soit (33 x 103), mille milliards de fois plus simple que les données collectées.
C'est ça "voir" pour notre cerveau, c'est simplifier à l'extrême la complexité du réel. Une simple silhouette noire cernée par une tache brillante floue suffit à notre bonheur.
Jean Pierre Luminet en 1978, en tenant compte des distorsions complexes que le fort champ gravitationnel imprime à l'espace-temps et aux trajectoires des rayons lumineux qui en épousent la trame, a créé la première image virtuelle d'un trou noir (image ci-contre).
Dans sa simulation, l'horizon des évènements a l'aspect d'un disque légèrement aplati. Le champ gravitationnel incurve si fortement les trajets des rayons lumineux au voisinage du trou noir que la partie arrière du disque est « relevée ».
Ainsi une image secondaire permet de voir l'autre face du disque d'accrétion, celle située derrière le trou noir qui a pris la forme d'un mince halo de lumière collé au disque noir central.
Mais la caractéristique principale de cette simulation est la différence de luminosité entre les différentes régions du disque.
La brillance propre est maximale dans les zones les plus proches de l'horizon, car c'est là que le gaz est le plus chaud. Pour un observateur lointain, le flux lumineux reçu est amplifié du côté de l'image où le gaz se rapproche de l'observateur. L'observateur n'étant pas stationnaire par rapport au trou noir, cela introduit une distorsion des images par effet Doppler.
Le trou noir peut être animé d'un mouvement de rotation et engendrer une asymétrie, le trou noir n'est plus sphérique.
De plus, l'effet de