Pour comprendre l’apparition des protogalaxies, il faut se replacer dans l’histoire très ancienne de l’Univers. Peu après le Big Bang, il y a environ 13,8 milliards d’années, la matière était chaude, dense et uniformément répartie. En se dilatant, l’Univers s’est refroidi, laissant apparaître les premiers atomes d’hydrogène et d’hélium.
De minuscules variations de densité, visibles aujourd’hui dans le fond diffus cosmologique, ont servi de graines gravitationnelles. Sous leur propre poids, ces zones légèrement plus denses ont lentement attiré le gaz environnant, formant des halos où la matière noire jouait un rôle central. C’est dans ces puits gravitationnels que le gaz a commencé à s’effondrer pour donner naissance aux toutes premières étoiles.
Le télescope spatial James Webb permet de remonter jusqu’à cette période clé, parfois appelée « aube cosmique ». Grâce à sa sensibilité dans l’infrarouge, il capte la lumière des galaxies apparues moins de 400 millions d’années après le Big Bang. En étudiant leur taille, leur éclat et leur composition, les astronomes peuvent tester les modèles décrivant comment la matière s’est organisée en structures toujours plus vastes, jusqu’aux galaxies que nous observons aujourd’hui.
Pour savoir si une tache floue dans le ciel est vraiment une protogalaxie, les astronomes combinent plusieurs techniques. Le télescope James Webb (JWST) utilise ses instruments infrarouges pour repérer la lumière émise par les toutes premières étoiles, devenue très « rougie » par l’expansion de l’Univers. En analysant ce décalage vers le rouge, ils peuvent estimer à quelle époque cet objet existait.
On complète cette observation par la mesure de la brillance et de la répartition des étoiles au sein de la tache. Si la structure contient beaucoup de gaz mais peu d’étoiles déjà formées, il est probable qu’il s’agisse d’une protogalaxie en train d’assembler ses premières populations stellaires. Les chercheurs comparent ensuite ces données aux modèles de formation galactique pour confirmer la nature de l’objet.
Enfin, les observations du JWST sont croisées avec celles d’autres télescopes, comme Edwin Hubble (1889-1953) l’avait pressenti en reliant distance et vitesse d’expansion. Cette synergie permet de tracer une histoire plus complète : comment des nuages de gaz sont devenus, au fil du temps, les premières grandes structures cosmiques.
Une fois qu’une protogalaxie est détectée, les astronomes cherchent à comprendre ses propriétés physiques : combien d’étoiles elle contient, à quelle vitesse elles se forment et quel est son contenu en gaz et en poussières. Pour cela, ils mesurent la lumière reçue dans différentes couleurs, une méthode appelée SED (Spectral Energy Distribution). Chaque couleur, ou longueur d’onde, donne des indices sur la température et la masse des étoiles.
En comparant la lumière observée avec des modèles de galaxies en formation, on peut estimer :
Ces mesures permettent de dresser un portrait global de la protogalaxie. Par exemple, une protogalaxie très lumineuse mais peu massive pourrait être en train de former ses premières étoiles rapidement, tandis qu’une autre, plus massive mais plus faible en lumière, peut avoir déjà commencé à se stabiliser. Grâce à ces diagnostics, les scientifiques comprennent mieux comment les toutes premières galaxies ont évolué et contribué à la réionisation cosmique.
N.B. :
Après le Big Bang, l’Univers était rempli d’un gaz neutre (principalement de l’hydrogène). Lorsque les premières étoiles et galaxies se sont formées, elles ont émis une lumière ultraviolette suffisamment énergétique pour arracher les électrons de ces atomes d’hydrogène. Ce processus, appelé réionisation, a transformé le gaz neutre en gaz ionisé, rendant l’Univers transparent à la lumière.
Les protogalaxies émettent de la lumière qui nous parvient aujourd’hui très « rougie » par l’expansion de l’Univers. En analysant cette lumière avec un spectrographe, les astronomes peuvent détecter certaines longueurs d’onde caractéristiques, appelées raies spectrales. Par exemple, la raie He II à 1640 Å ou la raie [O III] à 5007 Å donnent des informations sur la température des étoiles et sur la composition chimique du gaz.
Ces signaux permettent aussi d’évaluer la quantité de photons capables de réioniser l’Univers. Peu après le Big Bang, l’Univers était rempli de gaz neutre. Les premières étoiles ont produit une lumière suffisamment énergique pour ioniser ce gaz, rendant l’Univers transparent à la lumière. En étudiant l’intensité et la présence de ces raies, le JWST aide les astronomes à déterminer quelles galaxies ont contribué le plus à ce processus.
Ainsi, les signatures spectrales servent de « traceurs » de l’activité stellaire et de la réionisation. Elles permettent de relier l’apparition des premières étoiles aux grandes étapes de l’évolution cosmique, donnant un aperçu direct de la formation des premières structures de l’Univers.
Depuis l’arrivée du James Webb, les astronomes ont été surpris par plusieurs aspects des premières galaxies détectées. Certains objets apparaissent déjà massifs et lumineux moins de 400 millions d’années après le Big Bang, ce qui semble contredire les modèles classiques de formation hiérarchique où les galaxies s’assemblent progressivement à partir de petits blocs de matière.
De plus, la diversité observée est étonnante : certaines protogalaxies sont compactes, d’autres déjà étendues ; certaines présentent une formation stellaire intense, d’autres plus modérée. Ces différences rapides et marquées indiquent que les processus physiques, comme l’accrétion de gaz, la fusion de halos ou l’impact du rayonnement des étoiles massives, peuvent agir très tôt et de façon plus efficace que prévu.
Les spectres obtenus révèlent parfois une composition chimique déjà enrichie en éléments lourds, signe que la nucléosynthèse stellaire s’est déroulée plus vite que les modèles standards ne l’avaient anticipé. Ces observations font réfléchir les astrophysiciens sur la chronologie et la complexité de l’aube cosmique, et elles pourraient conduire à des ajustements importants dans les simulations de formation des galaxies.
En résumé, l’« aube cosmique » semble être plus riche, plus variée et plus rapide que ce que l’on imaginait, poussant la communauté scientifique à revoir certains fondements de notre compréhension de l’Univers primitif.
Source | Redshift \(z\) | Masse stellaire (M⊙) | SFR (M⊙/an) | Commentaire |
---|---|---|---|---|
GN-z11 | 11.1 | 1×109 | 25 | Une des premières galaxies détectées à haut redshift, confirmée par spectroscopie. Lumière très rouge due à l’expansion de l’Univers. |
CEERS-93316 | 16 (candidat) | 3×108 | 5 | Source très jeune, détectée par photométrie infrarouge. La formation d’étoiles vient juste de commencer. |
GLASS-z12 | 12.4 | 5×108 | 15 | Observée dans le cadre du programme GLASS, montre une activité stellaire soutenue. Candidate intéressante pour étudier la réionisation. |
JADES-GS-z13-0 | 13.2 | 4×108 | 20 | Découverte par le programme JADES, présente une formation stellaire intense et un spectre fortement décalé vers le rouge. |
CEERS-1749 | 14.1 | 2×108 | 8 | Très petite galaxie candidate, détectée uniquement en photométrie infrarouge. Peut représenter une étape précoce de formation. |
NGDEEP-z15 | 15.3 | 3×108 | 12 | Candidat du programme NGDEEP. Masse modeste mais formation stellaire active, utile pour étudier la diversité des galaxies primitives. |
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