L'univers n'est pas homogène, il a de petites imperfections que l'on appelle, des inhomogénéités de densité. Ce sont elles qui font que les étoiles existent, que les galaxies existent, que nous existons. Ces inhomogénéités de densité ont été créées par effondrement gravitationnel et ont permis à la matière d'exister à l'intérieur de grandes structures.
Un des problèmes majeurs de l'astrophysique moderne est que nous ignorons la nature de l'essentiel des composants de l'univers. La matière lumineuse, la seule que nous voyons directement, semble représenter moins du dixième de la masse de l'univers. Nous devons faire preuve d'imagination car cette lumière, des ondes radio aux rayons gamma, est notre seule source d'informations. Chaque fois que nos télescopes nous renvoient des images de l'univers nous cherchons à débusquer les entités invisibles qui maintiennent sa structure. On sait maintenant que notre univers n'est pas constitué que d'atomes, 96% de notre Univers est porté manquant dans nos télescopes. Comme il n'est pas question de remettre en cause les lois de la gravitation, tous les scientifiques s'accordent pour dire qu'il manque de la masse dans l'univers observable pour expliquer sa stabilité. Une partie de cette masse manquante est de la matière, comme nous ne la voyons pas on l'a appelé, matière noire. Bien que la matière lumineuse est minoritaire, nous voyons beaucoup d'objets, des planètes, des étoiles, des galaxies, des amas et surtout de très grandes zones de gaz. Et la lumière venant de ces objets, nous permet de comprendre des phénomènes invisibles.
Par exemple, lorsque des objets (planètes, groupe d'étoiles, groupe de galaxies, groupe d'amas), tournent autour d'un point central, leur distance par rapport au centre et leur vitesse nous permet de calculer la masse totale des constituants. C'est ainsi que l'on a remarqué que les vitesses des étoiles qui gravitent autour d'un centre galactique ne décroissent pas en fonction de leur éloignement du centre mais continuent à être constantes. Cette observation est en parfaite contradiction avec les lois de la gravitation. La seule explication actuellement est que la masse de la galaxie continue à croitre au fur et à mesure que l'on s'éloigne du centre de la galaxie.
Et bien sûr, il en est de même pour les grandes structures comme les galaxies et les amas de galaxies. Aujourd'hui nos détecteurs sont capables dans certaines longueur d'ondes, de nous montrer que les galaxies et les amas sont entourés d'un épais halo où se cache l'essentiel de la matière, celle que l'on nomme la matière noire.
La physique des particules décrit les propriétés de la matière et nous enseigne que la matière ordinaire, dite baryonique, est formée de quarks (protons, neutrons) et de leptons (électrons, neutrinos). Donc la matière baryonique, celle que l'on voit, est formée d'atomes dans lesquels on trouve des protons et des neutrons entourés d'un nuage d'électrons. Mais la matière existe aussi sous d'autres formes, sous forme ionisée appelée plasma, sous forme d'éléments atomiques (hydrogène, hélium, carbone, azote), sous forme d'agrégats atomiques (nanoparticules), sous forme moléculaire (poussière), sous forme d'énergie du vide (particules virtuelles) et peut-être sous forme de matière exotique comme les WIMPS (particules massives hypothétiques). Nous savons que l'essentiel de la matière ordinaire de l'Univers est formé d'hydrogène et d'hélium mais nous ne savons pas de quoi est formée la matière noire.
N. B. : En astrophysique, les WIMP (Weakly interacting massive particles) sont des particules massives interagissant faiblement. Ces particules hypothétiques constituent une solution au problème de la matière noire. Ces particules interagissent très faiblement avec la matière ordinaire (nucléons, électrons). Cette très faible interaction, associée à une masse importante (de l'ordre de celle d'un noyau atomique), en font un candidat crédible pour la matière noire.
N. B. : Un agrégat atomique (cluster), est un ensemble d'atomes liés de façon suffisamment étroite pour avoir des propriétés spécifiques, et de taille intermédiaire entre une molécule et un solide massif. Les clusters s'appliquent à tous types d'atomes engagés dans des structures de plusieurs milliers d'atomes comme les nanoparticules.
Les amas de galaxies ne sont pas constitués que de galaxies, ils baignent dans du gaz froid de faible densité (1000 particules/m3) et dans du gaz extrêmement chaud (10 à 100 millions de degrés). A ces températures, le gaz est totalement ionisé, il s'agit d'un plasma visible dans le domaine des rayons-x. Le gaz est distribué de façon beaucoup plus diffuse, il remplit l'espace entre les galaxies et s'étend bien au delà. La masse du gaz appartenant à la galaxie est bien plus importante que la masse de la galaxie elle-même. Si l'on mesure la dynamique gravitationnelle de l'Univers à grande échelle, la masse de la matière ordinaire de l'Univers observable ne représente que 4 % de la masse totale. 23% de la masse serait de la matière noire et 73% de l’énergie noire. Ceci est décrit dans un modèle admis majoritairement, le modèle SCDM (Standard Cold Dark Matter). Ce que nous voyons lorsque l'on observe la lumière des étoiles, des galaxies et des amas c'est la matière ordinaire.
Mais comment peut-on voir la matière noire ?
Les amas de galaxies sont les plus grandes structures observables de matière. Ils sont constitués de centaines de galaxies, liées ensemble par leur propre attraction gravitationnelle. La matière ordinaire des galaxies est essentiellement du gaz car la masse du gaz est beaucoup plus grande que la masse totale des étoiles. Toute la matière, matière ordinaire et matière noire, subit les forces du champ gravitationnel.
C'est dans l'amas du boulet que les cosmologistes ont pu « voir » la matière noire. L’amas du boulet ou 1E 0657-56 (Bullet cluster), observable dans la constellation de la Carène, est le résultat de la collision de deux amas de galaxies qui s'est produit il y a 150 millions d'années. L'étude de cette collision a débuté en aout 2006 et a mis en évidence l'une des preuves les plus solides de l'existence de la matière noire.
Lorsque des amas ou des galaxies entrent en collision, la matière (étoiles, gaz et poussière) est perturbée par les forces gravitationnelles. En réalité les objets lourds comme les étoiles ne collisionnent pas, elles passent les unes à côté des autres sans se rencontrer, car l'espace entre les étoiles est immense. Les étoiles ne sont donc pas affectées par la collision, elles peuvent être légèrement accélérées ou ralenties gravitationnellement mais pas détruites. Par contre pendant la collision, les gaz froids et chauds qui constituent l'essentiel de la masse baryonique des galaxies, vont interagir entre eux, ils vont même être fortement et rapidement ralentis. Ils vont se mélanger plus facilement du fait de leur liberté atomique et de leur très faible liaison.
C'est ce que l'on voit sur l'image composite ci-contre.
Cette gigantesque collision entre les deux amas a dégagé une énergie considérable, peut-être la plus puissante de l'univers depuis le Big Bang. C'est dans le domaine des rayons X que l'observation de la collision nous apporte un éclairage nouveau sur la matière noire, car les étoiles, les gaz et la matière noire se comportent différemment durant la collision.
Les galaxies des deux amas de galaxies sont observées en lumière visible, ce sont les taches blanches, les gaz chauds des deux amas sont observés dans les rayons X, ce sont les nuages rouges, la matière noire est représentée en bleu.
Mais que voyons-nous exactement ?
Nous voyons le résultat d'une collision entre deux amas. Sur cette image il y a des centaines de galaxies regroupées entre elles en amas mais nous voyons surtout un petit amas de galaxies, dans la tache bleue de droite et un grand amas de galaxies dans la tache bleue de gauche. Les deux enveloppes gazeuses des deux amas sont en couleur rouge, la petite tache rouge suit la petite tache bleue et la grande tache rouge suit la grande tache bleue. En réalité le petit amas de galaxies à droite, vient de traverser le grand amas à gauche. La gigantesque collision a « décoiffé » les deux amas de leur halo de gaz provoquant une onde de choc visible dans la pointe de la petite tache rouge. Cette onde de choc a fortement comprimé et donc échauffé les gaz de l'amas au point d'atteindre 100 millions de degrés. L'amas du boulet est l'un des amas les plus chauds connus. Par endroit le télescope Chandra X-ray Observatory a mesuré une vitesse de déplacement des gaz de 4500 km/s.
Les deux amas sont maintenant séparés de 3,4 années-lumière et la masse totale calculée en fonction de leur vitesse et de leur distance, représente bien plus que la masse de la matière ordinaire visible (galaxies vues dans le domaine optique et gaz vu dans le domaine des rayons x). Ce sont les régions volontairement colorées en bleu qui montrent la distribution de la matière noire invisible dans le cluster. Dans ce choc frontal titanesque, la matière noire s'est comportée comme la matière ordinaire, elle n'a pas interagi, elle a traversé l'autre matière noire sans heurt alors que le gaz interstellaire a été arraché des amas. Cela a provoqué l'onde de choc que l'on voit dans le nuage rouge en forme de boulet de gaz à droite. La séparation claire de la matière noire et des nuages de gaz est considéré comme une preuve directe de l'existence de la matière noire.