U Camelopardalis n’est pas seulement une étoile jolie à photographier : c’est un véritable laboratoire cosmique, où s’expérimentent à l’échelle stellaire des processus fondamentaux de la physique des plasmas, de la chimie du carbone et de l’évolution galactique. Grâce à l’observation de telles étoiles de carbone, nous comprenons mieux comment la matière complexe se forme, se disperse, et se recycle dans l’univers.
U Camelopardalis, souvent abrégée en U Cam, est une étoile de carbone située à environ 3000 années-lumière de la Terre, dans la constellation boréale peu lumineuse de la Girafe (Camelopardalis). Ce type d'étoile, particulièrement rare, est caractérisé par une atmosphère contenant plus de carbone que d’oxygène, ce qui modifie profondément sa spectroscopie, sa dynamique, et son interaction avec le milieu interstellaire.
Classée comme une étoile variable semi-régulière (SRb), U Cam est une étoile géante rouge évoluée, appartenant à la branche asymptotique des géantes (AGB). Elle représente une phase avancée d’évolution stellaire pour des étoiles de masse intermédiaire (1 à 8 M☉).
Dans les étoiles AGB comme U Cam, des processus convectifs profonds appelés "troisième dredge-up" ramènent à la surface des produits de fusion nucléaire, notamment du carbone formé via la triple réaction alpha (4He + 4He + 4He → 12C). Lorsque la teneur en carbone dépasse celle de l'oxygène, des molécules comme le C2, CN et CH se forment dans l’atmosphère stellaire, donnant lieu à des spectres dominés par des bandes moléculaires caractéristiques.
Ces étoiles jouent un rôle clé dans l’enrichissement du milieu interstellaire en éléments lourds, via la perte de masse intense qu'elles subissent sous forme de vent stellaire enrichi en poussières carbonées.
Ce qui rend U Camelopardalis particulièrement fascinante est la présence d’une coquille sphérique de gaz quasi-parfaitement symétrique entourant l’étoile. Cette coquille a été observée en lumière visible par le télescope spatial Hubble, révélant une structure résultant d’un épisode de perte de masse daté d’environ 700 ans.
Cette bulle, d’environ 0,2 année-lumière de rayon, se dilate à une vitesse d’environ 23 km/s. Elle constitue une opportunité exceptionnelle pour étudier, en conditions naturelles, la dynamique des enveloppes expulsées, la chimie des poussières carbonées et l’interaction entre les vents stellaires successifs.
L’intérêt scientifique de U Cam réside dans la possibilité d’observer un instantané d’un processus transitoire d’évolution stellaire. La perte de masse à travers des coquilles discrètes est encore mal comprise : s’agit-il de cycles pulsationnels réguliers ? D’épisodes convectifs violents ? D’interactions binaires ? U Cam, isolée et symétrique, fournit un cas test exempt de perturbations majeures, permettant d’affiner les modèles de dynamique atmosphérique et de transfert radiatif dans les enveloppes stellaires.
Les poussières carbonées formées dans ces étoiles jouent un rôle crucial dans l’opacité des galaxies, la formation des grains interstellaires, et la chimie prébiotique. En outre, l’enrichissement du milieu interstellaire par le carbone est directement lié à l’histoire chimique des galaxies. L’observation de coquilles comme celle de U Cam permet de relier les modèles stellaires aux contraintes observationnelles sur les abondances isotopiques et moléculaires du carbone dans la Voie Lactée.