⚡ JWST et les protogalaxies
Image : La surface collectrice de lumière des 18 miroirs segmentés de 1,315 m de côté du James Webb Space Telescope va permettre de capturer plus de photons et donc de voir plus loin. On gagne un facteur 100 entre Hubble et James Webb Space Telescope (100 heures de pause de HST = 1 heure de pause de JWST).
NASA / JWST SCIENCE TEAM
JWST et l'observation infrarouge
James Webb Space Telescope (JWST) est le successeur de Hubble Space Telescope (HST) et de Spitzer ou Space Infrared Telescope Facility (SIRTF). Son lancement a eu lieu le 25 décembre 2021 et sa mise en service est prévue pour juin 2022 car elle nécessite que l'ensemble optique situé à l'ombre du bouclier thermique atteigne une température compatible (7 K) avec les observations dans l'infrarouge.
Le rayonnement infrarouge est porteur d’une richesse considérable d’informations mais l’atmosphère terrestre diffuse ou bloque une partie du rayonnement thermique et empêche l’observation dans la plupart des longueurs d'ondes du segment infrarouge.
Dans l'observation infrarouge à partir de l'espace, il est nécessaire que l’environnement des capteurs soit à une température inférieure à celle du rayonnement que l’on veut capter.
JWST a été conçu pour exploiter à partir de l'espace les sous-segments infrarouges (PIR et MIR). Pour cela il est particulièrement protégé car il orbite autour du point de Lagrange L2 situé à 1,5 million de kilomètres dans la direction opposée au Soleil. Il parcourt cette grande orbite en six mois à une vitesse d'environ 1 km/s. Sa distance avec le point de Lagrange L2 varie entre 250 000 et 832 000 km. Sa distance avec la Terre oscille entre 1,5 et 1,8 million de kilomètres. Son excursion maximale au-dessus du plan de l'écliptique est de 520 000 km. Cette orbite a été finement calculée afin que le télescope spatial ne soit jamais dans l'ombre de la Terre car sa seule source d'énergie provient de ses panneaux solaires. L'orbite autour de L2 étant instable, le télescope spatial doit mettre en œuvre sa propulsion toutes les 3 semaines.
Un des objectifs de ce projet à 10 milliards de dollars, est de capturer les premières lumières de notre univers profond, afin de comprendre comment sont apparues les galaxies et les étoiles après le Big Bang.
En observant dans l'infrarouge les profondeurs de l'espace et du temps les astrophysiciens espèrent faire émerger les protogalaxies du noir profond de l'espace.
Le premier atout du télescope le plus puissant du monde par rapport à Spitzer et à Hubble est son miroir. Son miroir hexagonal en béryllium plaqué or (l'or accroit la réflectivité de la lumière infrarouge) possède 18 segments hexagonaux de 1,315 m de côté (équivalent à un miroir primaire de 6,5 mètres). Le miroir, protégé par une couche fine de verre amorphe transparent, pèse seulement 705 kg grâce à sa structure en "nid d’abeilles" qui réduit son poids sans altérer sa résistance aux dilatations et aux contractions qu'entrainent les variations de température.
L'autre atout du JWST est sa fenêtre d'observation qui s'étale entre 600 nm à 28000 nm c'est-à-dire dans l'infrarouge proche et moyen (PIR et MIR) en incluant une partie du spectre située dans le visible. Par comparaison, celle de HST s'étale entre 10 nm et 2500 nm c'est-à-dire dans le domaine de l'ultraviolet, du visible et du proche infrarouge (PIR). La fenêtre d'observation de Spitzer s'étale entre 3600 et 160000 nm dans l'infrarouge moyen et lointain (MIR et LIR).
Ces deux atouts vont lui permettre d'aller chercher les galaxies primitives dans l'espace lointain mais aussi d'analyser les biosignatures des exoplanètes dans l'espace proche.
N. B. : Le rayonnement infrarouge est le segment du spectre électromagnétique situé entre le domaine du visible et celui des micro-ondes. Ses longueurs d'ondes vont de 0,78 µm (au plus près du spectre visible) à 5 mm (au plus près des micro-ondes). Le segment du domaine infrarouge se divise entre infrarouge proche "PIR" (0,78 µm - 3 µm), infrarouge moyen "MIR" (3 µm - 50 µm) et infrarouge lointain "LIR" (de 50 µm - 5 mm).
JWST à la recherche des protogalaxies
Image : Une très grande diversité de galaxies dont certaines âgées de 11 milliards d'années parsèment le champ ultra profond de la tapisserie cosmique. Cette image composite a été créée à partir de photographies prises par le télescope Hubble entre 2003 et 2012. Dans ce minuscule trou de la voute céleste australe, on peut compter environ 10000 galaxies.
Avec JWST, en observant dans l'infrarouge moyen avec le même temps d'exposition on pourrait voir 100 fois plus de galaxies que dans l'image HST.
Crédit Nasa, ESA
Avec Hubble Space Telescope les cosmologistes ont pu capturer facilement des galaxies avec un Redshift de 1, correspondant à des galaxies âgées de 6 milliards d'années. Avec des temps d'exposition de 1 heure, HST a capturé des galaxies avec un Redshift de 4, correspondant à des galaxies âgées de 1,5 milliards d'années. Avec des temps d'exposition de 15 jours, HST a capturé des galaxies dans l'infrarouge proche avec un Redshift de 10, correspondant à des galaxies âgées de 500 à 700 millions d'années après le Big Bang.
D'après les simulations, avec JWST les cosmologistes espèrent capturer des galaxies primitives avec un Redshift de 20, qui pourrait faire apparaitre des galaxies âgées de 200 à 400 millions d'années. Il est possible que dans des minuscules régions du ciel profond, se cachent des millions de protogalaxies rougeoyantes très jeunes. C'est justement ce processus de formation des protogalaxies qui intéresse les cosmologistes.
Comment les premières galaxies se sont formées après le Big Bang et comment elles ont évolué ?
A cause de l'expansion de l'univers, les galaxies s'éloignent les unes des autres à une vitesse proportionnelle à leur distance (loi de Hubble v=H0d - constante de Hubble H0=73 km/s/Mpc).
En effet plus la vitesse de récession est grande plus la galaxie est loin dans l'espace et dans le temps. En observant dans l'infrarouge moyen, JWST va nous fournir des images proches du moment où le cosmos sort de l'âge sombre de son histoire.
Pour former une galaxie il faut rassembler énormément de matière baryonique (matière ordinaire).
On sait aujourd'hui que cette accrétion ne peut pas se faire sans matière noire car sans matière noire, le puits gravitationnel n'est pas assez profond. On sait aussi que toutes les galaxies sont reliées par la matière noire.
Durant cette période primitive de formation galactique, les scientifiques espèrent voir la turbulence, la présence ou non de trou noir, la forme d'une protogalaxie et la dynamique du gaz à grand Redshift. Et pourquoi comprendre pas la nature de la matière noire !
N. B. : Le redshift est un décalage positif (z>0) vers le rouge c'est-à-dire une augmentation de la longueur d'onde, et une diminution correspondante de la fréquence et de l'énergie des photons. A l'inverse, une diminution de la longueur d'onde et une augmentation simultanée de la fréquence et de l'énergie, est connue sous le nom de redshift négatif, ou blueshift (z<0) (rouge et bleu sont les extrêmes du spectre de la lumière visible).
Les causes du décalage vers le rouge :
- Le rayonnement se déplace entre des objets qui s'éloignent (redshift "relativiste").
- Le rayonnement se déplace vers un objet dans un potentiel gravitationnel plus faible (redshift "gravitationnel").
- Le rayonnement se déplace dans un espace en expansion (redshift "cosmologique").
JWST à la recherche de la vie
Image : JWST est parti à la recherche de la vie.
Crédit ESA David Sing
En janvier 2022, nous connaissons 4884 exoplanètes confirmées et 8288 candidates (réf. catalogue de la nasa). Parmi les exoplanètes confirmées certaines ont des propriétés qui pourraient être favorables à la vie.
Depuis la découverte de la première exoplanète (51 Pegasi b en octobre 1995), le rêve ultime de l'humanité a été de trouver des mondes rares comme le nôtre abritant la vie.
Si nous pouvons connaitre la masse, le rayon et les paramètres orbitaux d'une exoplanète, aucun télescope spatial n'a la capacité de "voir" directement la surface d'une exoplanète. Cependant JWST pourrait analyser la composition de l'enveloppe gazeuse d'une exoplanète.
Lors d'un transit d'exoplanète avec son étoile, une partie de la lumière traverse les différentes hauteurs de l'atmosphère de l'exoplanète. Cette lumière absorbée (raies noires d'absorption) correspond au code barre chimique de la composition de l'atmosphère (eau H2O, méthane NH4, dioxyde de carbone CO2, éthane C2H6, etc.).
Malgré la très faible quantité de lumière analysée par le spectrographe de JWST, il est possible de caractériser la composition chimique des atmosphères exoplanétaires. C'est grâce au grand miroir de JWST que les scientifiques pensent pouvoir observer les spectres d'absorption des enveloppes gazeuses.
En fonction des longueurs d'onde du spectre d'observation de JWST, on pourra obtenir une sorte de carte d'identité chimique des exoplanètes et de nombreuses signatures pourraient apparaitre.
En résumé, avec le JWST, l’observation dans le domaine des ondes infrarouges pourrait révolutionner la cosmologie et l'exobiologie. JWST est maintenant parti dans les profondeurs de l'espace et du temps à la recherche des galaxies mais aussi dans la proche banlieue de notre système solaire à la recherche de la vie.